mercredi 25 mars 2009

René Branciard

Parmi les personnages ayant marqué de leur empreinte l'histoire de l'aérodrome de Challes-les-Eaux, un des plus célèbres est René Branciard. Il y a une quinzaine d'années, j'avais eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises à Chambéry, où il passait sa retraite. Les anciens moniteurs du centre national se réunissaient alors le samedi matin, et comme ils savaient que je m'intéressais à l'histoire de l'aérodrome, ils m'invitaient de temps en temps. Ils étaient passionants à écouter !

René Branciard a établi un sacré record, celui de la longévité au centre. Arrivé en 1945, il y resta 31 ans ! A la retraite du personnel navigant en 1963 il y resta responsable de la division technique jusqu'à la fermeture du centre en 1976.

Voici une petite biographie que m'avait envoyée son fils Daniel:

"Né le 14 avril 1911 René Branciard se marie en 1945 avec Simone Viaud (décédée en
1981) avec laquelle il aura trois enfants (2 garçons 1 fille). Légion
d'honneur, médaille de l'aéronautique et palmes académiques lui ont été
attribuées.
Brevet militaire n°23017 du 18/08/1930, statut boursier, affectation: école
Caudron
La partie militaire de sa carrière a été très courte et ne mérite
peut-être pas d'être mentionnée, sa chance, comme il le disait, c'est
l'école Caudron. Pendant la Guerre, il a "bricolé"dans le vol à voile
(Montagne Noire ?) il me semble qu'il a fait de la formation de pilotes
militaires (38/39?)

Pilote militaire puis instructeur à Villefranche-sur-Saône, de 1935 à 1938.

Moniteur à l'école Caudron à Ambérieu en 1938-39.

Chef-pilote du centre national de Challes-les-Eaux de 1946 à 1963, date de
son admission à la retraite.

Fut le premier à survoler le Mont-Blanc le 14 avril 1954 sur Breguet 900 montant sans chauffage à 5900m.

Décédé le 24 novembre 2006."


Voici quelques compléments tirés de mes archives:

Du 30 juillet au 9 août 47, une équipe française participe à la « Semaine Internationale de vol à voile de l’Engadine », préparatoire aux championnats internationaux qui doivent s’y dérouler dans un an, avec Marcelle Choisnet, Max Gasnier et, pour Challes, René Branciard. Ce dernier termine premier français et gagne ainsi sa sélection pour l’année suivante.

Du 20 au 30 juillet 48 à Samedan, en Suisse, se tient le 2ème concours international de vol à voile, considéré plus tard comme Championnats du Monde, avec une Equipe de France à forte ossature challésienne, vol en montagne oblige:
Branciard, Notteghem, Valette et Lambert sur Air 100,
Fonteilles et Léthoré sur Nord 2000.

Le 19 avril 49, René Branciard réalise un gain d’altitude de 3225 mètres sur le Minimoa, réalisant ainsi le gain d’altitude de son brevet E.

On lui doit, en 1952, le maintien du centre national qui aurait du fermer à la fin d’une période de trois ans de sous-traitance pour la formation initiale l’armée de l’air, et la prolongation de l’activité vol à voile dans ce centre.

56 René Branciard et Robert Billaz sont envoyés en stage de formation sur hélicoptère à Mitry-Mory, en région parisienne

Le 11 mai Branciard se fait remorquer sur l'Air 100 F-CADC jusqu'à Annecy et réalise ses 300 km but fixé sur Montpellier. Un an auparavant, une première tentative avec départ à Challes s’était arrêtée à Béziers, R.Branciard étant stoppé par une masse d’air défavorable. Cette première expérience l’avait convaincu de la nécessité de tenter un départ plus septentrional, pour arriver à placer cette distance en ligne droite.

Premier atterrissage à Challes-les-Eaux

Sous la nacelle, il n'y a plus que le marais de Challes qui se rapproche inexorablement. Comme les deux aéronautes ont brûlé tout le combustible disponible, ils savent que leur vol va se terminer là, dans cette zone de blâches et de roseaux qui s'étend entre les communes de Triviers, La Ravoire et Barby.
C'est dommage de ne pas pouvoir aller plus loin, mais pour le premier vol d'une montgolfière en Savoie, en ce 6 mai 1784, c'est déjà un exploit. Et les deux hommes, Xavier de Maistre et Louis Brun, après la griserie de l'envol, savourent leur victoire malgré l'imminence de leur retour sur terre. Près du vivier du marquis, les paysans qui ramassaient de la litière pour le bétail, des herbes à récurer les casseroles ou des écrevisses, se sont enfuis, effrayés par la vue de ce ballon volant. Ils reviennent maintenant et, ayant repéré les deux hommes à son bord, les acclament bruyamment.
Ce que les deux jeunes gens ne peuvent imaginer, c'est que les expériences d'aérostation vont un jour donner naissance à ce que l'on appellera "l'aviation", et que deux cent ans plus tard, la zone marécageuse dans laquelle va se poser leur montgolfière, et qui ne s'arrête qu'au pied du Mont Saint Michel sera occupée par la "zone industrielle" du Puit d'Ordet et par l’"aérodrome" qui va nous intéresser, celui de Chambéry/Challes-les-Eaux. Le destin, dans la route hasardeuse d'un ballon, semble ainsi avoir désigné par cet atterrissage le lieu où se dérouleront par la suite la plupart des évènements aéronautiques qui contribueront au renom de la Savoie.

Tout a commencé un an auparavant. Comme partout en Europe, les jeunes nobles et bourgeois de la société chambérienne se passionnent pour les "Lumières" de la science et des idées nouvelles. L'annonce du premier envol de Pilâtre de Rozier et du Marquis d'Arlandes sur le ballon des frères Montgolfier, le 21 novembre 1783, fait sensation lorsqu'elle parvient à Chambéry.

Dès le mois de décembre, deux ballons sans passagers sont lancés au Pré Jacob devant la population chambérienne; L'un d'eux survole la ville et se pose près de la Fontaine Saint-Martin, dans le Clos des Ursulines.
Au printemps suivant, pour montrer aux Français que les "Savoyards sont également propres à l'invention et à la perfection", le Chevalier de Chevelu et d'autres membres de cette élite savante et cultivée lancent une souscription pour la construction d'un "char flottant". Le 1er avril 1784, un prospectus anonyme, mais que l'on dit rédigé par Xavier de Maistre, officier de la marine du roi Victor-Amédée III et âgé de 21 ans, est distribué à Chambéry pour annoncer une expérience aérostatique prévue du 18 au 20 avril dans l'Enclos de Buisson-Rond et pour encourager les souscripteurs. La machine aérostatique, de forme sphérique, est prévue pour l'emport de trois personnes. Son diamètre est de 18 mètres, ce qui lui donne un volume de 2830 mètres cubes. Selon le prospectus, cela doit représenter 87143 pieds cubes d'air raréfié et lui permettre de déplacer 7625 livres d'air atmosphérique et donc de soulever 3812 livres. Son enveloppe doit être constituée de toile écrue contrecollée de papier et son hémisphère supérieur recouvert d'un filet attaché à une corde d'équateur.


22 avril 1784: Le premier vol humain savoyard est tenté sur cette montgolfière au rond-point de Buisson-Rond, propriété des Millet d'Arvillard, par le Comte de l'Hopital et Louis Brun, ingénieur-mathématicien de 24 ans,... et se solde par un échec. Philalète, Hermite de Nivolet, décrit la tentative: On commence le gonflage à 11 heures. L'après-midi on le chauffe, le gonfle encore... Il se traîne à peine sur le bord de l'estrade, il en tombe, roule sur lui-même. Le Comte de l'Hopital se jette dans les bras de son valet de chambre. M.Brun tombe, les habits à moitié brûlés.
Dès le lendemain les opposants au projet s'en donnent à cœur joie. Les plus méchants ne se privent pas de rappeler la devise qui était écrite sur son côté:
"L'homme que j'inspirai dans sublime audacé
Avoir dompté les mets et mesuré l'espace
De la foudre en courroux il dirigeoit les feux
Aujourd'hui sur mon aile il plane dans les cieux"
ou de se moquer de sa décoration:
"D'un côté était peint une grande Minerve maussade qui, d'une main tremblante, présentait un bouclier chargé de la tête de Méduse à un vilain cochon placé à ses pieds: Cet animal était sans doute le symbole, assez mal choisi, de l'ignorance et de l'envie qui avaient décrié le Ballon et les balloneries. Mais ce cochon hargneux, bien loin de reculer, semblait menacer de renverser d'un coup de boutoir la pauvre Minerve mal assurée sur ses jambes.
Au flanc opposé c'était bien autre chose: Sur un petit globe était posé debout sur ses jambes une grosse et lourde figure qui, sous l'emblème manqué d'un génie encore dans l'âge de l'enfance, avait toute l'encolure d'un épais ramoneur, joufflu et goîtreux. D'une main il tenait une torche mal allumée. L'autre, comme le quatrième page de Malbrout, ne portait rien. Sa taille, légère, était aussi épaisse que celle d'un Bacchus ou d'un Silène. La flamme, symbole caractéristique du génie, ne brillait pas sur sa tête, sans doute parce que ce génie savoyard nouveau-né n'a point atteint l'âge de virilité. Mais comme le remarque fort à propos l'auteur du Prospectus, il faut croire que la virilité retardée n'annonce que plus sûrement un tempérament robuste qui se développera avec l'âge. Ce génie naissant n'ayant donc en ce moment pour tout apanage qu'une corpulence énorme et massive, il n'est pas étonnant que le petit globe placé sous ses pieds ait trébuché à l'instant où il s'est efforcé de s'élever."

Pour analyser les défauts de la première montgolfière on fait appel à Horace-Bénédict de Sausurre, le réputé physicien de Genève qui a été le premier à expliquer la force ascensionnelle créée par l'air chauffé et qui se rendra célèbre trois ans plus tard en faisant l'ascension du Mont Blanc.

L'échec est mis sur le compte de la qualité des combustibles, du poids excessif de la galerie, du manque d'adhérence du papier provenant de la fabrique des frères Montgolfier, à Leysse, et collé sur la toile, d'un défaut d'équilibre et de la forme trop étranglée du bas du ballon.
Une nouvelle machine est construite. On supprime le filet supérieur, d'un poids de 180 livres, que l'on remplace en doublant les nervures, ce qui donne un total de 48 cordes. La première galerie pesait 500 livres et n'était pas assez solide; On y récupère donc deux paniers et on la remplace par un grand cercle de freine sur lequel on fixe les paniers (11 pieds à l'extérieur, 9 pieds à l'intérieur). Les paniers sont divisés en trois cases égales par des tringles de fer: une centrale pour le passager et deux extérieures pour les provisions. Le tout pèse désormais 300 livres, dont 8O livres pour le foyer et peut emporter 300 livres de provisions.
L'ascension est initialement projetée par Louis Brun et le Chevalier de Chevelu. Suite au refus opposé par son père le Chevalier doit déclarer forfait et c'est finalement le futur écrivain Xavier de Maistre qui se porte volontaire.

Le 6 mai 1784, c'est le grand jour: Louis Brun et Xavier de Maistre décollent de Buisson-Rond et, à "Quelques toises de hauteur" (une toise = 1,949 m), ils saluent les nombreux spectateurs et Xavier de Maistre, s'emparant d'un porte-voix, s'écrie "Honneur aux dames !" au milieu des roulements de tambour du bataillon sarde de la marine royale.
Le ballon s'élève à 506 toises (un peu moins de 1000 mètres) et, comme il se dirige vers la Combe de Savoie, ses passagers peuvent admirer le Nivolet, le Granier et le Roc de Chaffardon. Après avoir brûlé "une quantité considérable de boules de papier imbibées d'huile, beaucoup d'esprit de vin, des chiffons, un grand nombre d'éponges, deux corbeilles contenant le papier, deux seaux dont ils versent l'eau", l'aérostat se pose au bout de 25 minutes, comme nous l'avons vu, dans le marais de Challes.
De retour à Buisson-Rond, les jeunes aventuriers doivent monter sur une estrade pour y être présentés au public, fêtés et "couronnés par les plus jolies dames de la ville". Le soir un repas est donné pour les 90 invités représentant la noblesse, les sciences et l'armée, dont les frères Joseph et Xavier de Maistre, les frères Montgolfier et M.de Sausurre.


Jean-Noël
(si un jour on arrive à publier un livre sur l'histoire de Challes, je le verrais bien commencer comme cela...)

Les débuts du vol à voile à Annecy



Les habitants du secteur connurent des premiers passages d’aéronefs depuis la divulgation des ballons à air chaud, et à partir de 1910 pour de rares engins motorisés. Le champ de Mars (ou Pâquier) à Annecy connût son premier meeting les 24, 25 et 26 juin 1911 et les appareils allaient se poser par la suite sur ce Champ de Mars, dans le camp militaire de Novel au Nord de la ville et dans la plaine des Fins, à l’Ouest, le long de la route allant à Genève. Toujours sur le Champ de Mars et à partir de l’année 1909 la mode est au lancement de cerfs-volants et de modèles réduits que l’on tente de faire planer…
Le 22 octobre 1910 la presse locale annonce une séance d’essai d’un planeur conçu et construit par MM. Guy et Bollon à Bonneville, au cœur du département. Cinq cent personnes sont présentes, mais le terrain est détrempé et les roues s’embourbent. On n’en entendra plus parler. Les 23 et 26 mai 1913 un planeur très léger fut présenté à Annecy dans un magasin. Cet engin dit « à force musculaire » conçu et construit par MM. H-C et M-V devait être présenté au concours de l’Aviette à Paris mais tout retomba dans l’oubli.
L’Aéro-Club des deux Savoies, ancêtre de l’A.C. de savoie et de l’A.C. de Haute Savoie, futr créé le 14 décembre 1925 à Chambéry, mais ce n’est que le 8 juin 1929 qu’un effort plus sérieux fut fait par la création de l’Aéro-Club des Alpes Françaises, toujours à Chambéry, ceci afin d’aider au déveleoppement de l’aviation légère à Chambéry, Aix-les-Bains, Grenoble et Annecy. Monsieur Bozon-Verduraz, un compagnon d’armes de Guynemer, en était le fondateur. Cette association fut représentée à Annecy, mais très vite l’idée de vouloir créer un aéro-club local et autonome fut prise dans une ville qui ne possédait toujours pas d’aérodrome. Cette décision fut prise le 4 août 1930, mais comme il n’était pas question de voler en avion, l’association ne put se livrer à aucune pratique. Il restait la solution du vol à voile et le 24 octobre 1932 fut créé le Club de Vol à Voile d’Annecy, totalement indépendant. Un terrain fut trouvé dans un champ situé au lieu-dit « Le Chat Noir » à la Combe de Sillingy, à l’Ouest de la ville, et un premier planeur fut acheté. Les activités prirent leur essor avec, comme entraîneur qualifié Monsieur Lupin, et d’autres planeurs arrivèrent pour être lancés soit au sandow, soit par remorquage automobile. Les modèles qui allèrent être utilisés étaient des AVIA 11A, des Vuillemenot AE 11 genre 11A et un Vuillemenot AE 13. Un AE 11 allait être carénés côté cabine par un vélivole, Monsieur Vuilloud.
Le 7 février 1933 la salle de cinéma La Splendid à Annecy était pleine à craquer pour un superbe gala en faveur du vol à voile, alors que plus tard trois pilotes allaient partir se perfectionner sur le terrain de la Banne d’Ordanches. A partir de septembre 1934 quelques pilotes allaient s’orienter vers la construction de deux Pou du Ciel HM 14 car le mouvement Pou, lancé par Henri Mignet, connaissait un véritable engouement. Au début de 1935 le club déménage à la Balme-de-Sillingy, en bordure de la route nationale 508 conduisant d’Annecy à Bourg-en-Bresse. Les planeurs, toujours flanqués de l’emblème du chat noir sur leurs empennages verticaux, étaient amenés à chaque séance sur une remorque traînée par une voiture Amilcar depuis le garage Carlin d’Annecy. Les vols courts mais fréquents se passaient avec peu de casse, mais le 20 janvier 1935, un planeur capota dans la neige épaisse, et le pilote décéda. Le 25 mars, le club fusionna avec l’Aéro-Club de la Haute Savoie, et le 3 juin, la section vélivole prit la désignation de Club d’Aviation Légère d’Annecy (CALA), englobant les amateurs de pou du ciel qui volaient également à la Balme-de-Sillingy. Par la suite, et jusqu’aux mauvaises heures de la guerre, ce club fonctionna sans problème avec environ quinze membres très actifs. Entre-temps une dissidence s’était produite à l’ACHS et au CALA, et ceux qui en étaient partis s’inscrivirent à une nouvelle association enregistrée sous la désignation de Annecy-Aviation.
Les premières activités qui avaient lieu à la Combe de Sillingy avaient fait des adeptes, et dans la petite commune de Poisy, à l’Ouest d’Annecy sur les hauteurs, un club de vol à voile portant le nom du village fut créé le 4 novembre 1935. Typiquement rurale, cette nouvelle association composée de cultivateurs et d’ouvriers commença par utiliser un antique planeur Sablier construit chez Albert Dunoyer avec du bois de frêne, mais le lourd engin peu maniable finit très vite sa carrière dans les vignes du bas de la pente. Un Vuillemenot AE 11 fut trouvé, et un AVIA 11A, le numéro 17, fut expédié par le ministère de l’Air et réceptionné le 16 juillet 1937.. Cette année-là la liste des membres dits « actifs » allait totaliser 77 personnes !
Les vélivoles de Annecy-Aviation allaient se joindre à eux en tant que section autonome, et en un mois, 28 élèves allaient effectuer sur le site dit du « Champ Clos » 194 glissades sur le 11A, ce qui allait constituer un record. Pendant ce temps-là, les activités de la Balme-de-Sillingy continuaient. Les planeurs de Poisy, frappés sur leurs dérives de la Croix de Savoie, étaient lancés au sandow et remontés sans cesse sur la colline grâce au cheval Max qui, le soir, se trouvait aussi harassé que les pilote.

Mais les heures tragiques allaient s’annoncer, et les activités durent s’arrêter. Il n’était plus question de voler, aussi bien en planeur qu’en avion. Les petits Pou du Ciel étaient interdits de vol pour d’autres causes, et les quelques pilotes d’avion qui volaient aussi bien au Fayet qu’à Challes-les-Eaux durent s’arrêter, alors que les réquisitions de terrains mises en place en 1939 pour l’établissement par le ministère de l’Air d’un aérodrome à Annecy-Meythet n’avaient pas pu permettre cette réalisation.
Le pays était occupé, mais en 1941, avec l’accord du gouvernement de Vichy, une tentative fut faite pour recréer un aéro-club, puisque toutes les associations en place étaient dissoutes. La désignation retenue fut Aéro-Club d’Annecy, mais l’affaire avorta, alors qu’il ne restait plus qu’à se livrer à la confection de modèles réduits. Vichy toléra néanmoins une certaine activité dans le vol à voile et le pilote Julien Vuilloud, garagiste à Annecy, put effectuer à Challes-les-Eaux, entre le 6 septembre et le 25 octobre 1942 douze vols totalisant 10 minutes et 10 secondes à bord du 11A numéro 1151 et des AVIA 152A numéros 14 et 32. Les planeurs furent ensuite remisés et disséminés.
Seul l’Aéro-Club de la Haute-Savoie survécut à la guerre pour regrouper les sections d’Annemasse, de St Julien-en-Genevois et de Thonon-les-Bains. L’aérodrome d’Annecy-Meythet avait enfin été créé en 1945 pour la 9th Air Force, et par les Américains eux-mêmes, afin d’accueillir les gros porteurs.

Les premières activités de l’association commencèrent le 15 août 1946. Deux Caudron C800, deux Castel C301S, un Castel C310P, un Nord 1300 et un AVIA 11A arrivèrent, pour être mis en œuvre par deux moniteurs d’Etat aidés par un treuil Ford. Quelques rescapés de la colline de Poisy en profitèrent pour mobiliser un C301S afin de se livrer très provisoirement aux joies du sandow en-dessous du village.

Article écrit par René Bouvier, grand spécialiste de l'histoire de l'aviation, notamment en Haute-Savoie, et très gentiment mis à disposition pour parution à Challes dans le magazine « Albert » en 1999.

Challes dans le journal "Les ailes", 1945

Je passe à Challes-les-Eaux et j’en profite pour voir le terrain et ceux qui l’occupent. Excellent accueil… Naturellement, je ne souffle pas un mot des « Ailes », journal libre et donc, comme chacun sait, journal subversif. Il y a, sur ce terrain, une équipe magnifique, gonflée à bloc : Lacasse, le chef du Centre ; Guyard, le chef-pilote ; Chabal, Diard, Branciard et, le dernier venu, Notteghem, tous moniteurs. Ajoutons-y les trois moniteurs-élèves : Voisin, Labattut et Presl.

Le deuxième stage est en cours ; commencé le 1er juillet, il prendra fin le 12 septembre. Il compte trente stagiaires dont deux femmes : Mlle Renaud et l’excellente aviatrice qu’est Régina Wincza. En deux mois, on a fait du bon travail : 730 heures de vol, 12 brevets B, 16 brevets C, 13 épreuves comptant pour le brevet D, soit 13 de durée, 11 d’altitude et 3 de distance. Trois brevets D ont été décrochés par Labattut, Presl et Gabelier.

Gabelier, en particulier, est un type formidable. Ce n’est d’ailleurs pas un inconnu pour les lecteurs des « Ailes ». Mécanicien-garagiste à Marseille, animateur, bien avant la guerre, de la section d’Aviation sans moteur de l’Aéro-Club de Provence, « mordu » à 100%, il a lui-même construit son planeur : C’est une machine magnifique, qui a exigé 2000 heures de travail et qui ressemble à l’Avia 40P mais avec des ailes basses et dotée d’un coefficient de sécurité très élevé. Ne trouvant pas d’ascendances favorables dans les environs de Marseille, Gabelier a amené, un beau jour, son planeur à Challes où il fit, dans la ville, une entrée sensationnelle : il l’avait mis dans une impressionante caisse-remorque tirée par sa voiture à gazogène et c’est dans cet équipage qu’il débarqua au terrain. Comme de juste, Gabelier dut obtenir l’autorisation du Service des Sports Aériens avant d’accomplir ses essais au centre national ; les Sports Aériens la lui accordèrent et n’eurent pas lieu de le regretter : dans la première semaine, Gabelier totalisa simplement 14 heures de vol et la semaine suivante il passa les épreuves du brevet D ! Ca promet… Dommage que les malheureux clients du mécanicien-garagiste le réclament impérieusement à Marseille et qu’il lui faudra se décider à rompre le charme de Challes-les-Eaux.

« J’aurais tout de même bien voulu, avant de repartir, « tâter » le Mt Blanc » m’a confié Gabelier…
Le centre reçoit des visites. Preuve, la mienne…Mais il en reçoit de plus officielles, telle celle de M.Maranne, fils du Président du Conseil Général de la Seine, attaché lui-même au cabinet du Ministre de l’Air ; il est venu à Challes à bord d’un avion du ministère, et a profité de son séjour là-bas pour passer les épreuves de durée et d’altitude du brevet D. M.Cabot, autre personnalité des Sports Aériens, a obtenu en quelques jours son brevet C. Charles Fauvel compte parmi les habitués du terrain de Challes où il se propose de procéder bientôt aux essais de son « aile volante », version planeur, en cours d’achèvement à Valence.

« On vole intensément ici » m’a dit un des dirigeants du centre. Les chiffres qu’on vous a communiqués tout à l’heure en témoignent. Voyez Tournon, en particulier, il s’entraîne régulièrement et son dynamisme est un magnifique exemple pour les jeunes. L’Aéro-Club de Savoie bénéficie de cette atmosphère ; depuis juillet, ses propres élèves ont totalisé 36 heures de vol ; ils ont réussi à décrocher 3 brevets B et 2 brevets C. Tessier et Gervais, tous deux de l’Aé-C-S, ont accompli, sur le vénérable XVA, des vols de plus d’une heure.

« C’est que, voyez-vous, les possibilités de ce terrain sont vraiment très grandes. Que le vent souffle du Sud, de l’Ouest ou du Nord, il « arrive » sur la pente. Avec des vents de seulement 4m/s, les vieux XV-A eux-mêmes, lancés au treuil, « accrochent » et tiennent l’air des heures. Le soir, notre longue vallée est riche en « restitution » et il faut vraiment que la nuit tombe pour que l’on se décide à rentrer. Il est fréquent que l’on accomplisse ici des balades de10 à 20 km, avec des altitudes de 2000 et 2500 mètres. »

En résumé, je remporte de mon rapide passage à Challes-les-Eaux une impression excellente et le désir d’y retourner pour un séjour moins bref. J’en remporte une autre impression : c’est que le centre aurait déjà été le théâtre de performances retentissantes si le matériel ne lui avait point manqué. Mais à ce point de vue, la situation paraît devoir s’améliorer bientôt : des planeurs de performance, ramenés d’Allemagne, sont déjà parvenus à Challes, et seront utilisés dès qu’ils auront été remis en état ; ils ont besoin, en effet, d’une révision assez sérieuse. D’autre part, bien qu’on ne m’en ait pas parlé, j’ai cru discerner qu’on regrettait, là-bas aussi, l’absence de tout service météorologique : c’est peut-être ce service qu’on devrait commencer à installer, en premier lieu, sur tout terrain de vol à voile.

Enfin, il y aurait encore lieu d’insister sur l’erreur que l’on commet en envoyant à Challes des débutants que, trop souvent, aucun titre aéronautique ne désigne pour un tel stage alors que ce centre devrait être essentiellement consacré au perfectionnement. Mais c’est là une question qui dépasse le compte-rendu d’une simple visite et qui fera l’objet d’une autre note.


E.Chambry
Journal « Les Ailes » du 1er septembre 1945

Publié dans le magazine "Albert" en 2004

lundi 23 mars 2009

Le Fauconnet, par Jacques Boude

A titre d’illustration du sujet "ALBERT", voici un récit tiré des archives de ce magazine écrit par Jacques Boude et parlant du Fauconnet dans le n°17 de 1997 :

HISTOIRES DE FAUCONNET EN 1974

Que se passait-il à Challes en 1974?
C'était encore le temps où les Fauconnet connaissait l'engouement des pilotes et vivait de belles heures de vol. Nous n'hésitions pas à les emmener en " 300 " (n'est-ce pas Christian Brondel), ou, comme je vous le raconterais plus loin, à faire des " 3000 " en thermique. Nous en avions même envoyé un sur Castellane - Bonneville qui, après avoir cherché le Parcours du Combattant et photographié Castellane, s'était reposé à Challes.

Bel exploit quand on sait que le Fauconnet était, oh ! pardon, est (parce qu'il en existe toujours), une sorte de K 18 en beaucoup plus léger. Tellement léger qu'il fallait pratiquement faire un départ en autorotation pour le centrer dans les grosses ascendances... mais chut ! C'est vrai que maintenant les " 300 " sont devenus le début du circuit et que même les " 500 " .

Mais, en 1974...1974, c'était le début des grandes découvertes à Challes. A l'image de nos amis américains, nous partions à la conquête, non pas de l'Ouest, mais des grandes Alpes. Il faut savoir que la Suisse et la vallée du Rhône ne seront explorées que deux ans plus tard, en 1976. C'était aussi la première fois que nous partions en face Est de la Chartreuse et que les grands tournaient leur premier " 500 " dans le Sud. Patrick Jandard devrait bien nous raconter le sien qui ne manque pas de piment.

Personnellement, je faisais mes premiers " 300 " sur un Mont Aiguille - St.Jeoire-en-Faucigny en Squale un 20 avril, après deux ans de vol à voile. Nos bêtes de concours étaient le LS I D et l'ASW 15, moins performants que ne l'est aujourd'hui le Pégase, ainsi que les Squales (Wa 26) qui n'étaient que l'équivalent du Ka 6 E ! L'hiver 73-74, nous avions acheté à quinze copains des Nord 1300, venant des neiges de la Llagonne. L'un d'eux, le CRLF, est toujours visible au fond du hangar. Il avait fait son premier vol le 19 mai, après que nous ayons passé l'hiver à lui peindre sa peinture d'apparat. Chaque week-end voyait partir les remorques un peu partout...

A titre d'exemple, en une seule année, j'ai fait six vaches hors - terrain, et ce n'était pas exceptionnel. Nous volions avec les altis calés au Fox - Echo, soit 300 mètres de moins qu'avec le calage QNH utilisé maintenant. Heureusement, toutes les montagnes étaient également 300 mètres de moins que maintenant ! Pour ne pas troubler les jeunes lecteurs, les altitudes de mon récit seront traduites en QNH.

En 1974, nous faisions de belles Rencontres Amicales et nous avions organisé, en juillet, un concours de jeunes pilotes en montagne, que gagna un certain Gilles Navas. C'est au cours de cette compétition que je fis le vol du 9 juillet que je vais vous décrire. Mais revenons quelques jours en arrière... Il doit y avoir prescription.

L'arrivée du Fauconnet CDLO
Le 5 juillet au matin, nous décollons avec Michel Gonseth, grand moniteur de cette époque, pour aller chercher notre nouveau Fauconnet à Joigny, près de Paris. Michel décide de faire le plein sur un aérodrome du centre de la France, dont j'ai oublié le nom. Il fait une très belle procédure radio, mais les réponses de la tour me semblent bizarres. Je lui ai fait remarquer qu'il y a une croix blanche au milieu du terrain. Il en déduit donc que c'est le début de la piste qui est fermé.

Enervé par l'insistance de la tour qui lui demande sa position, il annonce qu'il se tourne en dernier virage et qu'il va se poser quand, dans la radio, arrive un ordre de remise de gaz... Le nouveau terrain est 10 kilomètres plus à l'Ouest, et celui sur lequel nous voulions nous poser est désaffecté.

En arrivant à Joigny, il faut faire le vol d'essai. OK, pas de problème... Où est le parachute ? On l'a oublié à Challes et je dois donc voler sans. Pour le convoyage de retour, non seulement je n'ai toujours pas de parachute, mais le Fauconnet est transformé en shaker, car des " cumuli " sont apparus de partout. Je dois assurer la navigation, en tirant sur la queue du remorqueur, notamment pour que mon pilote ne m'emmène pas en radada dans la vallée de l'Albarine, entre Ambérieu et Culoz... Retour folklorique et fatiguant !

Le vol du 9 juillet 1974
En tant qu'organisateurs des Rencontre Alpines des Jeunes Pilotes, nous décidons, avec Michel Bouillol, de leur faire faire un " St. Jean de Maurienne - L'Alpe d'Huez ", soit 127 km. C'est certainement une première à Challes. Nous connaissons à peine la Maurienne, et pas du tout l'arrière des Belledonnes.

Une fois les concurrents en l'air, je décide de les suivre avec ce brave CDLO, qui n'avait pas trouvé preneur, et avec une vague idée de faire mes " 3000m ". Je me largue à 550m QNH sur le Mont St Michel, passe par le Gelaz, la Galoppaz, et je me jette sur l'Arclusaz. Maintenant, il faut traverser la vallée de l'lsère, ce qui n'est pas gagné avec un Fauconnet. Je me retrouve pas très haut à la verticale d'Aiton, mais ça repart bien au dessus des sapins. Patiemment, j'escalade le Grand Arc et je continue sur la Lauzière.

Ca devient magnifique et je me régale à remonter cette superbe chaîne. Je passe St François-Longchamps et euphorique, je poursuis mon avancée en Maurienne, à 2400m, jusqu'au Perron des Encombres et la Croix des Têtes. Je me fais secouer, mais c'est super - fumant. Ca plafonne, hélas, à 3400 et je n'arrive pas à faire mon gain de 3000m . Je photographie St Jean de Maurienne et décide d'aller aux Aiguilles d'Arves, ce qui est une première pour moi.

Je dois avouer que je suis un peu impressionné de m'enfoncer dans cette région. Je fais de la pente sur la Grande Chible, que j'atteins à 2600, et passe en crête. Je continue en direction de l'Aiguille de l'Epaisseur et des Aiguilles d'Arves, où j'arrive à 2900. Il y a un beau cumulus qui fleurte avec le sommet, mais ça va être juste. Je me bats un moment en vol de pente dans un cadre magnifique. Je remonte doucement le long des Aiguilles d'Arves, dans une sympathique euphorie. Plusieurs fois, ça plafonne à 3500m et il me manque au moins 50 mètres.

Finalement, j'avance vers l'aiguille la plus à l'Ouest, je prends de l'élan... et je réussis à passer de justesse 3600 mètres. Si mon barographe a bien fonctionné, ça doit être bon. Heureux dans ce paysage grandiose, je regarde du coin de l'oeil la Meije. C'est impressionnant, mais je n'y résiste pas. Et puis, ça peut me permettre de mieux assurer les 3000 si ça monte. Je survole le Plateau d'Emparis et arrive sous la Meije vers 3000. C'est extraordinaire, mais on se sent tout petit au milieu de ce décors majestueux.

Par contre,- c'est déjà dans l'ombre et ça ne monte pas vraiment, aussi je me dirige vers les Deux Alpes où je survole des pistes si souvent parcourues. Je continue de m'emplir la tête de tous ces paysages de rêve. Cependant il commence à se faire tard et je me replie sur Huez. Là, les azurs fatigués se révèlent médiocres, aussi je décide de dégager par la Vallée de la Romanche, trop bas pour repasser les Belledonnes. Le fond de la vallée est sombre et ça ne monte guère. Je me récupère enfin vers le Lac Fourchu et je remonte à 2600m devant le Taillefer, ce qui me permet de traverser sans problèmes vers Chamrousse.

Maintenant, il ne reste plus qu'à redescendre les Belledonnes, émerveillé par tous ces petits lacs et ces vallées si belles. Mon Brevet E sera finalement homologué avec un gain de 3050 mètres. Ce vol peut paraître banal de nos jours, mais pour moi il restera un de mes plus beaux.

Quant au Fauconnet, je ne peux pas y penser sans sentir monter en moi une vague de nostalgie.

Jacques Boude

Le Fauconnet, par Michel Bouillol

A titre d’illustration du sujet "ALBERT", voici un récit tiré des archives de ce magazine écrit par Michel Bouillol et parlant du Fauconnet dans le n°17 de 1997 :

LE FAUCONNET, VOUS CONNAISSEZ ? Non ?
Alors, accompagnez-moi en 1967, nous allons verser ensemble une larme sur ce petit planeur. Il fut le fer de lance de notre club pendant près de 10 ans. Laissez-moi tout d’abord vous décrire l’animal. Doté d’une envergure de 15m et d’un fuselage en tube entoilé, le Fauconnet ne pesait que 150kg à vide. Sa légèreté et son caractère imprévisible m’ont toujours fait penser que, si les planeurs devaient être sexués, celui-ci sans hésitation eut été féminin.

Conséquence directe de sa légèreté, il volait toujours 50m au-dessus de la mêlée. Sauf les jours de Nord-Est où les pilotes se faisaient rares, ayant toujours un rendez-vous urgent ou un sanglier sur le feu. Au niveau pilotage, ce planeur souffrait de plusieurs défauts majeurs, et avait mauvaise réputation. Ne supportant pas l’attaque oblique, il déclenchait sèchement. Vite rattrapés, ces départs étaient généralement sans conséquences, mais instauraient un climat de méfiance. Par ailleurs, les mises en virage nécessitaient une action ample sur le palonnier, afin de contrer l’important lacet inverse. Enfin, une fois stabilisé en spirale, il devenait nécessaire de croiser les commandes (pied intérieur, manche extérieur) pour annuler le roulis induit.

Ceci étant, pour qui se donnait la peine de l’apprivoiser, le Fauconnet devenait une petite merveille. Vendu avec une improbable finesse de 29, il était nettement supérieur à son prédécesseur dans la progression, le Nord 2000. Là où le N2000 arrivait trop bas, le Fauconnet, 100m plus haut, raccrochait, nous ouvrant la porte des circuits. Maniable et nerveux, le moindre souffle le faisait monter. Il suffisait alors d’être patient et d’éviter les jours de grand vent, car la finesse max était atteinte à 75km/h. La polaire plongeait ensuite à la verticale.

Nous avons tous, à un moment ou à un autre, essayé de charger le Fauconnet pour améliorer ses performances. Le lest, d’abord installé sous les fesses du pilote, où il générait des douleurs insoutenables, fut plus tard positionné entre le siège et le pied du manche. Cette dernière disposition engendrait une modification importante du centrage, que l’absence de compensateur empêchait de contrer. Le pilote devait alors tirer sur le manche pendant tout le vol. Comme ce manque de compensateur rendait les convoyages par air très pénibles, le Fauconnet, pour l’occasion, était équipé d’un sandow. Accroché de chaque côté de l’habitacle, l’élastique passait derrière le manche, exerçant ainsi une pression vers l’avant.

Nous avons usé 4 Fauconnet. Le premier, le CDBN, construit en kit, nous arriva en 1967. Si vous avez la patience de me lire, vous connaîtrez son douloureux destin. Le second, le CDLO, vola de 69 à 77. Le CCVL, arrivé en 71, fut cassé en 72, puis réparé. Il fut vendu le même jour que le CDLO, le 9 janvier 77.

Je me souviens de ce jour d’hiver où je remorquais, sans radio, les Fauconnet en convoyage double vers le terrain de Paray-le-Monial (71). J’avais choisi de passer au-dessus de la couche pour améliorer le confort des copains; Je pensais surtout à Jacques B. d’Annecy 74 (mais oui, il était déjà là !) accroché au câble court et qui frétillait au raz de mes empennages comme une truite au bout d’un fil. Alain C. (le chef de l’époque) pendait loin en contrebas, le plus souvent hors de ma vue. Bien au chaud dans mon avion, je n’avais pas réalisé qu’à 3000m au mois de janvier, la température était de -15°C. Je me souviens encore de la branlée que m’a passée Alain en arrivant à Paray. Le dernier Fauconnet, le CDLD, ne fit qu’un bref passage de 75 à 76, puis il fut revendu, déjà détrôné par l’arrivée des premiers plastiques.

Afin de faire revivre un peu mieux ces souvenirs, je vous propose deux petites histoires qui illustreront mieux que bien des chiffres ce que fut l’épopée du Fauconnet. Le premier récit se déroule en 67 et 70. A cette époque, notre totale ignorance de l’aérologie était compensée par un optimisme sans failles, et l’épreuve des 50 bornes, maintes fois tentée, était le rêve impossible de bien des pilotes. Bien entendu, l’école de circuit n’existait pas. Le pilote qui partait à Annecy, n’ayant jamais dépassé le Revard, devait glaner des informations hautement confidentielles auprès de quelques héros qui connaissaient le Semnoz. Mais qui n’en n’étaient jamais revenus...

Quand le chef disait « Vas-y, c’est bon », nous partions déterminés et confiants. Et quelques fois, ça marchait ! Le deuxième récit intervient quelques années plus tard. Notre laborieux apprentissage par essai-erreur commençait à porter ses fruits, nous visitions un peu moins souvent les vertes prairies de Cusy et de Bonneville; Et puis nous avions aussi pris le temps de réfléchir, heureusement conseillés par quelques anciens. Je demande donc votre indulgence pour les pilotes ignorants que nous étions en ce temps-là; Et votre pardon pour les trop nombreux éclats de spruce et d’okoumé dont nous avons saupoudré les forêts savoyardes.

Les deux vies du BN
Quelques 200m sous le croix du Nivolet, le gros Sikorsky H34 est en vol stationnaire.
Parfaitement immobile sur un fond de sapins, sa peinture verte le rend peu visible; Mais le vacarme assourdissant qui sort de ses flancs ne peut laisser ignorer sa présence. Sous l’hélicoptère pend une élingue métallique dont l’extrémité disparaît dans la forêt. Le bruit augmente soudainement quand le pilote mets les gaz et tire sur le pas collectif. Doucement, le H34 commence à s’élever; L’élingue se tend, et 2 ailes de planeur, toutes blanches, émergent des sapins. Attachées l’une à l’autre, les deux ailes pendent mollement à 20m sous l’hélicoptère.

Lentement, le pilote éloigne son engin de la paroi. Manifestement, l’opération d’hélitreuillage est un succès. C’est le cas, du moins, jusqu’au moment où le pilote constate que les ailes viennent de s’animer d’un mouvement de balancier qui, s’amplifiant à chaque seconde, risque de provoquer une collision entre l’hélicoptère et sa charge. Dès lors, trop éloigné du sol pour se reposer rapidement, il ne reste plus au pilote qu’une solution. Les observateurs, atterrés, voient alors l’élingue se détacher du ventre du H34. Instantanément, les 2 ailes se séparent et, en décrivant de superbes arabesques, viennent s’écraser dans la forêt. Le Fauconnet BN vient de mourir une première fois...

Le planeur avait décollé en début d’après-midi aux mains de Mr.Ickxe. Ce dernier, colonel de son état, dirigeait la base aérienne de Chambéry. Je précise pour les jeunes lecteurs, que les locaux actuels de Technolac abritaient, au temps jadis, une flopée d’hélicoptères en uniforme. Sonores et polluants, ces gros frelons tout verts furent terrassés dans les années 80 par une légion de restrictions budgétaires. Leur départ fut un grand soulagement pour les riverains qui étaient las de voir interpréter « Apocalypse Now » tous les jours (sauf sa-di et jf) au raz de leurs fenêtres.

Mon colonel, donc, ce jour-là, astiquait la pente entre le Nivolet et le chalet du Sire. Comme c’était mou, il volait lentement. Sans être franchement vicieux, le Fauconnet n’aimait pas les badins comateux; Surtout si la bille s’éloignait un tant soit peu du milieu. Lorsque cette situation se présentait, le planeur avait une réponse toute prête: Il partait en autorotation du côté où la bille n’était pas...pour l’avoir un instant oublié, notre militaire volant se trouva brutalement transformé en fantassin. Il y a malgré tout, un intérêt à voler lentement. En cas d’impact, on ne se fait pas trop mal.

Ce fût le cas. Le planeur, à part quelques petits trous dans la toile, était pour ainsi dire intact. Quant au pilote, sa seule cicatrice se situait au niveau de l’amour-propre. Mais, perdre une bataille n’est pas perdre la guerre, et, à peine redescendu dans la vallée, notre militaire fit donner le clairon et dépêcher sur place une force d’intervention hélicoptée. Il était urgent de retirer cette croix blanche qui, bien visible de la base, trônait dans la montagne.

La suite, hélas, vous est connue. Notre colonel eut cependant la double sportivité de faire reconstruire le Fauconnet à la base aérienne, et de ne pas le repeindre en vert.

C’est donc avec un BN tout neuf et toujours blanc que je vous invite à poursuivre cette aventure. Quelques années plus tard, le 18 juin 70 pour être précis, le BN s’envole en début de journée, destination Annecy. Motif du déplacement: épreuve de 50 bornes. La journée paraît prometteuse. Dès le matin, de nombreux cumulus ont envahi le ciel et, en ce début d’après-midi, ils sont même tellement nombreux que leurs bases noires cachentla plupart des montagnes. Plus haut, dans le ciel, d’énormes boursouflures se hissent jusqu’aux limites de la stratosphère.

Comme le disait le chef de l’époque, en envoyant le Fauconnet: « Vas-y José, c’est vachement bon ». Et effectivement, c’est « vachement bon » puisque, à peine largué, le planeur disparaît à nos yeux ébahis, littéralement aspiré par les volutes grisâtres. Sur ces entrefaites, une série d’éclairs accompagnés de grondement sinistres viennent apporter un bémol à l’enthousiasme général. Le doute s’installe, et le temps s’étire.

Cet après-midi n’en finit plus. les averses sont devenues abondantes et, au Nord du terrain, dans un ciel aux reflets bleus acier, les éclairs se succèdent à un rythme soutenu. Vers 18h, les orages se sont enfin éloignés, laissant place à un temps uniformément gris et couvert. La brise est tombée. L’air est immobile. Insidieusement, l’ennui s’infiltre dans les hangars humides. Dans l’attente de nouvelles en provenance d’Annecy, le chef vient une fois de plus de regarder sa montre.

C’est alors que se produit un fait apparemment anodin. Une automobile vient de se garer le long de la barrière. La portière avant droite s’ouvre et, à ma grande surprise, je vois descendre José, le pilote du Fauconnet. Il ouvre le coffre du véhicule, extrait un parachute, vient remercier le chauffeur et s’avance lentement vers le chef. L’air a pris cette pesanteur qui précède les grandes catastrophes.
« Mais... José, qu’est’s t’a foutu du Fauconnet ? »
« Ben, euh,...j’me suis posé « au » Semnoz, et je crois que le fuselage est « un peu tordu » ».
L’expérience prouvera plus tard que « au » signifiait « à l’intérieur du » et que « un peu » ne reflétait qu’une infime partie de la réalité. La conversation ne m’arrivait que par bribes et je jugeais que dans ce moment de grande détresse, il était prudent de garder une certaine distance.

A cette époque tourmentée, les engueulades arrivaient plus vite que les félicitations !
Je vous livre ici, tel que j’ai pu le reconstituer par la suite, l’enchaînement des faits ayant conduit à l’irréparable. Tout avait bien commencé. Collés au plafond, le pilote et son Fauconnet fonçaient à toute vitesse vers le Semnoz et les 50 bornes. Soudain, par le travers du Pont de l’Abîme (un nom, ô combien prémonitoire !) un nuage plus gros et plus noir que les autres, décida de gober le Fauconnet. Surpris, le pilote sortit les aérofreins. Vu la totale inefficacité du dispositif, cette action n’apporta aucun changement notable à la situation, et le planeur continua de grimper à l’intérieur du nuage d’orage. La pluie, qui tombait drue, fit place à de la grêle. Ballotté dans tous les sens, le pilote en perdition vit l’altimètre grimper jusqu’à 2700m.

Là, le cours des événement s’inversa et une descente vertigineuse s’amorça. vers 1200m, le pilote distingua de nouveau le sol, au milieu des trombes d’eau. Avisant une tâche verte, il y dirigea tant bien que mal le Fauconnet. Le contact avec le sol s’effectua vers 1100m. un peu fatigué par l’atterrissage, José, son parachute sur le dos, partit dans la ligne de plus grande pente à la recherche de la civilisation. Celle-ci se présenta sous la forme d’un automobiliste complaisant qui accepta de ramener le pilote au bercail.

Le lendemain matin, je suis assis à l’arrière de la DS21 présidentielle, aux côtés de Jean-François V. de St Alban (73). Terrorisés par la vitesse, nous essayons mutuellement de nous remonter le moral. Le président de l’époque, un certain Pierre G., dentiste à Chambéry (73), nous conduit à tombeau ouvert sur la petite route du Semnoz. Il a, paraît-il, un rendez-vous ce soir. Au train où vont les choses, ça risque d’être un rendez-vous avec le Bon Dieu !

A ma grande surprise, nous sommes toujours vivants en atteignant l’hôtel du Semnoz, terminus de la route, où un brouillard tenace réduit la visibilité à une trentaine de mètres. Deux gendarmes débonnaires nous attendent afin d’effectuer l’inévitable constat. Et, bien entendu, ils posent là question que tout le monde redoute:
« Au fait, il est où, ce planeur ? »
Brutalement très affairés, nous abandonnons le pilote qui se lance dans un descriptif de la situation.
« Heu, ben, justement,... Alors voilà, comme y faisait pas bien beau... Mais je crois bien qu’en remontant un peu... ou alors en descendant... En tout cas, c’est au Semnoz, ça j’en suis sûr. »
Ces explications limpides permettant une localisation rapide du Fauconnet, nous nous engageons dans les nuages, sur le plateau du Semnoz. Cap au Sud, nous suivons un vague chemin qui mène à... Enfin, qui conduit sûrement quelque part.

Nous restons prudemment à portée de voix les uns des autres. Au bout de 2h d’errance, le chemin commence à descendre et nous sortons enfin de la couche nuageuse. La progression devenant alors plus facile, nous abandonnons le chemin pour nous diriger vers le tombant Ouest de la montagne. Et le miracle se produit: Cent mètres en contrebas, au coeur d’une petite clairière, il est là !

Dès le premier coup d’oeil, je suis atterré par l’allure générale du planeur. Les ailes, en accent circonflexe, font un angle surprenant avec un fuselage devenu sinueux et qui semble s’être tassé sur lui-même. Vu de loin, le Fauconnet ressemble un peu à un batracien.

Quelques minutes plus tard, accoudé au fuselage, je compare, perplexe, les dimensions du planeur à celles, à peine supérieures, de la clairière et je m’interroge quant à la manoeuvre d’atterrissage. D’autant que le nez du planeur est dirigé vers le bas de la pente. C’est en découvrant la gouverne de profondeur accrochée à la cime d’un arbre, devant le Fauconnet, que je saisis la hardiesse de l’évolution. Le coup fut joué en trois bandes.
Premièrement: La profondeur agrippant le feuillage fait office d’ancre et provoque une deccélération quasi-instantanée.
Deuxièmement: L’aile gauche heurte la cime d’un arbre, assurant un mouvement rotatif qui positionne le planeur dans le périmètre de la clairière.
Troisièmement: Un tas de bois mort judicieusement placé vient amortir la prise de contact avec le sol. Il semble cependant que le dernier coup n’ait été qu’un demi-succès, car le lendemain, le pilote marche penché en avant avec une main sur les reins...

Les vestiges du planeur furent promptement démontés, et le chemin de croix des dépanneurs commença. Je pense, ce jour-là, avoir gagné une partie de mon paradis, car il nous fallu remonter l’épave de 400m (lus à l’alti du planeur) avant de rencontrer un engin de débardage. Le conducteur, compatissant, accepta de charger le Fauconnet.

Je voudrais ici accorder une mention spéciale aux deux gendarmes qui portèrent l’aile droite jusqu’à son chargement sur l’engin, nous évitant ainsi un aller-retour supplémentaire. Depuis ce jour, je crie « Mort aux vaches » un peu moins fort. Le retour vers l’hôtel du Semnoz fut un peu mélancolique. Perdus dans le brouillard, nous suivions en silence l’énorme 4x4. Le Fauconnet, attaché en travers sur l’engin, semait à chaque cahot du mauvais chemin quelques larmes de contre-plaqué.

En arrivant au terrain, l’épave fut immédiatement débarquée dans l’atelier.
Le verdict de l’expert fut sans appel: « Il est foutu... »

Le BN venait de mourir pour la deuxième et dernière fois.

Michel Bouillol

Connaissez-vous ALBERT ?

Dans les années 1970-1980 (au moins), vivait sur les flancs du Mont Peney un corbeau (ou assimilé) qui avait pris l'habitude d'accompagner en vol les planeurs qui faisaient de la pente sur cette montagne. Peut-être était-ce pour les surveiller, voire les impressionner pour les chasser des alentours de son nid ? Toujours est-il qu'il venait se placer en vol au-dessus du bord d'attaque d'une aile, à une quarantaine de centimètres, et surfait ainsi sur la vague d'air que ça devait créer. Il pouvait rester là de longues minutes. Ca l'affolait un peu si on s'amusait à faire des battements d'aile (j'ai honte...) mais il revenait là dès que les choses se calmaient. A force de cohabitation, les pilotes l'avaient pris en amitié et l'avaient même surnommé Albert. On ne sait pas s'il y a eu un seul Albert, ou si plusieurs générations se sont relayées au poste. Mais c'était notre Albert, le corbeau du Peney.

En 1979 et 1980 les vélivoles challésiens se lancèrent dans une petite randonnée itinérante qu’ils appelèrent Transalpine. Au retour de chacune de ces expéditions, un compte-rendu fut rédigé. Au retour de la troisième Transalpine, en 1982, l’idée vint à certains de remplacer le simple compte-rendu par un petit magazine un peu plus étoffé, que l’on qualifia aussitôt d’apériodique de manière à ne pas avoir l’obligation de le faire, de n’en garder que le plaisir quand on en aurait envie, et de lui donner le nom de notre emplumé, ALBERT. Ce fut fait le printemps suivant. Il y eu deux numéros en 1983, deux en 1984 puis le régime de croisière fut pris avec un numéro annuel, et il devint alors « ex-apériodique ».

Une particularité de ce magazine, distribué gratuitement lors de l'assemblée générale annuelle du CSVVA, a été d'avoir très souvent une couverture illustrée par des grands dessinateurs, comme vous pourrez le voir en fin d'article. Ces illustrations leur étaient demandées lors des salons de la BD à (feu-)Grenoble, Chambéry, Sierre et Angoulême ou "par la bande" lorsqu'il s'agit de vélivoles.

Le magazine a (pour l'instant) existé jusqu’en 2008, mais il n’est pas dit que cela continue, un magazine papier étant plus long à réaliser que tous les blogs, lettres électroniques et bulletins en lignes que nous permet la technique actuelle, et ses informations sont rapidement périmées.

Vous trouverez certains exemplaires sur le site du CSVVA, rubrique Bolino Platz : http://www.csvva.org/bolino/index.htm n°21 de 2001: http://www.csvva.org/bolino/albert21.pdfn°23 de 2003 : http://www.csvva.org/bolino/albert23.htmn°24 de 2004 : http://www.csvva.org/bolino/albert24.htmn°25 de 2005 : http://www.csvva.org/bolino/albert25.htmn°26 de 2006 : http://www.csvva.org/bolino/ALBERT%202006.pdfn°27 de 2007 : http://www.csvva.org/bolino/ALBERT%202007.pdfn°28 de 2008: http://csvva.free.fr/bolino/al28/ALBERT2008.pdf



Les collectors:


1983 - 1

1983 - 2 Jacques Boude en "Super Léon"

1984 - 3 Les cow-boys de Challes en stage à Sisteron

1984 - 4 Hommage à J.Lap (Aviasport, Le Canard Enchaîné...)

1985 - 5 Inspiré par "Bébé Rose", illustration Frédéric Violette

1986 - 6 Hommage à Gotlieb, illustration Frédéric Violette

1987 - 7 D'après Soaring, illustration Frédéric Violette

1988 - 8 illustration Francis Bergèse (Buck Danny)

1989 - 9 illustration Walthéry (Natacha)

1990 - 10 illustration Weinberg (Dan Cooper)

1991 - 11 illustration Séron (Les petit hommes)

1992 - 12 illustration Tabary (Iznogood)

1993 - 13 illustration Jean Barbaud (Mac Fly) qui est ensuite venu faire un vol à Challes

1994 - 14 illustration Henri Roumat

1995 - 15 hommage à Sokal

1996 - 16 illustration Pierre Rosset (exemplire dédicacé par Pierre Pellier lors de son départ à la retraite)

1997 - 17 illustration Jean Barbaud (Mac Fly)(sur-dédicace de Stéphane Gaschet, qui allait tomber en panne sur le DR-400 quelques mois plus tard...)

1998 - 18 illustration Nicolas Pug

1999 - 19 illustration Molinari (Les Tigres Volants)

2000 - 20 hommage à Turk et De Groot

2001 - 21 illustration Nicolas Vosgien

2002 - 22 hommage à Hergé (Tintin)

2003 - 23 hommage à Roger Leloup (Yoko Tsuno)

2004 - 24 illustration Nicolas Pug

2005 - 25 illustration Thomas Troesler (Dessinaéro)

2006 - 26 illustration Nicolas Pug

2007 - 27

2008 - 28 illustration Daniel Mars (Air Décors)

Notre bâtiment d'accueil

Avant:


Pendant: (article paru dans "Albert" de 2002 )

Chacun a pu remarquer que le bureau du CSVVA avait déménagé, et rejoint momentanément la mécanique au hangar « Télécom ». Certaines mauvaises langues ont osé prétendre que c’était pour faciliter la cérémonie matinale du café de nos salariés, ou, au contraire, pour permettre à nouveau de téléphoner au club en matinée sans tomber sur un ersatz de répondeur, ou tout du moins sur le grand silence frisé qui en tient lieu…

Point nenni ! La vétusté du bâtiment qui hébergeait notre bureau, et son manque de fonctionnalité, ont simplement imposé d’y entreprendre des travaux de rénovation à l’automne dernier. A la fin du chantier, nous aurons enfin des locaux administratifs qui ne feront plus piètre figure ( et nous n’aurons plus qu’à racheter un nouveau répondeur téléphonique pour parfaire l’accueil au club…)

Ce bâtiment n’a bien sûr pas toujours été dans cet état, et il fut une époque, certes lointaine maintenant, où il apporta de par sa présence une touche de classe à l’aviation challésienne.
C’est en 1936, dans la vague de projets aéronautiques apportée par l’aviation populaire, que la nécessité d’un club-house s’imposa dans l’esprit des dirigeants de l’Aéro-Club de Savoie. La récente nomination du député savoyard Pierre Cot comme Ministre de l’Air du Front Populaire a du également beaucoup jouer dans la genèse de ce projet, notamment du côté des finances. Rappelons, pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents, que l’ACS fut créé en 1934, déjà sous l’œil bienveillant de Pierre Cot, en remplacement de l’Aéro-Club des Alpes Françaises et de son Association Coopérative de Pilotage. Rappelons également que notre CSVVA actuel en est l’héritier en droite ligne, puisque créé en 1972 par regroupement de la section vol à voile de l’Aéro-Club de Savoie et du Club de Vol à Voile Alpin d’Annecy. Début 1937, donc, les travaux de construction du « club-house » commencent. Sa conception est l’œuvre de M.Chappuis, architecte à Chambéry et par ailleurs Secrétaire Général de l’Aéro-Club de Savoie. A l’époque, ce bâtiment est situé au Sud de l’aérodrome, non pas qu’il ait été déplacé par la suite, mais parce que la surface du terrain a été plusieurs fois modifiée, par ajout de surfaces au Sud et au Nord. Le Petit dauphinois, ancêtre du Dauphiné Libéré, nous en fait effectuer la visite :
« Tout d’abord, voici le rez-de-chaussée. Une salle commune vitrée, permettant de surveiller tout le terrain. Dans le fond, un bar; Derrière une petite pièce servant d’office et, à la rigueur, de cuisine. Sur le côté gauche du bâtiment, un escalier permet d’accéder au bureau du chef-pilote et à celui de l’aéroclub. Plus loin, deux autres pièces dont l’une est réservée au pilotes féminins. Un hall, un lavabo, W.C, une douche, un réduit pour le matériel, et voilà! Le premier étage comprend quatre chambres destinées aux pilotes de passage. Une salle de repos, où l’on trouvera des livres, des journaux, et où l’on pourra se distraire, donnera accès sur une grande terrasse ».

Séduisant, non, pour l’époque ?
A partir de 1945 le club-house est utilisé, comme le reste des installations, par le Centre National qui vient d’être créé. En 1946, il accueille la première station météo de Savoie. Il servira également de bureau de piste, pour la gestion des avions de passage.

Le CSVVA le récupérera, juste retour des choses, en 1977, un an après le déménagement du centre national pour Grenoble-St Geoirs, pour y installer son bureau, jusque là coincé dans une des alcôves du préfabriqué (ancien atelier devant lequel se tient le briefing). Et 25 ans plus tard, une nouvelle jeunesse lui est offerte.

Espérons que, après ce petit retour dans le passé, nos pilotes verront avec d’autres yeux, moins méprisants, ce bâtiment qui fit honneur en son temps aux ailes savoyardes, et qui fut finalement contemporain de certains de nos pilotes, et pas des moindres…

Après:

Ivresse nocturne

Trouvée dans « VGC News », le bulletin du Vintage Gliding Club, une interview de Harald Kamper, un pilote allemand de Achmer. Après quelques questions sur ses centres d’intérêt, son planeur préféré, on lui demande quel a été son vol le plus mémorable :

« Ce fut le 11.08.1978 sur le Nord 1300 F-CRLF à Challes-les-Eaux, en France, plus de 3 heures de vol à la tombée de la nuit. Le ciel était bleu, la lune brillait, la vallée et le terrain étaient sombres. Je pouvais sentir l’odeur du Lac du Bourget. Il y avait une espèce de lenticulaire. J’étais simplement heureux, comme lorsqu’on vole plus haut que les plastiques, ce qui m’arrive souvent. Je suis revenu vers le lac sentir l’eau depuis là-haut et jeter un dernier coup d’œil à ce spectacle.
En me tournant vers l’aérodrome, je vis des autos allumer leurs feux près de la piste.


« Il est temps de rentrer » ai-je réalisé. Après mon atterrissage, le chef-pilote est venu me dire


« Tu es interdit de vol pour demain. On n’a pas le droit de voler de nuit sans radio en France, comme en Allemagne certainement » .


J’étais triste.
Le lendemain, il a plu. J’étais heureux… »


Interrogé avant que nous mettions sous presse (article publié dans "Albert" de 2002 ), Pierre Pellier (le chef-pilote en question) a souri en répondant « Bof, il y a prescription… ! ». Et pour les curieux, le F-CRLF, c’est le joli papillon punaisé sur le mur du fond du hangar.


samedi 21 mars 2009

L'option lac - The water option

L'amerrissage le 15 janvier 2009 d'un Airbus sur l'Hudson à New-York a remis sur le devant de la scène "l'option lac", solution de secours quelquefois employée en cas de panne.
Pour ce qui est du Lac du Bourget, c'est arrivé au moins quatre fois: un Focke-Wulf 58 le 30 mars 1944, un Beech 99 d'Air Alpes vers 1970 (à confirmer, pilote: -Bruno?- Dalla Pria, oncle de Philippe Mazzega), un Gulfstream G III le 6 février 1998 et, en mai 1951, celui que voici raconté dans la revue "Le Trait d'Union" de juillet 1990:

" En 1951, Pierre Martinot, directeur de la CADAF (Compagnie Aérienne des Alpes Françaises) à Chambéry-Voglans reçoit l'épave de l'avion Abraham Iris 2 sans moteur.

Les nouveaux propriétaires, les frères Durand, cultivateurs à Tarascon, semeurs de riz en Camargue, chargent la CADAF de remettre l'avion en état de vol après l'avoir équipé d'un moteur Renault de 95cv à quatre cylindres verticaux non inversés.

La CADAF rénove la structure en métal léger des ailes et des empennages, la structure en tubes de Duralumin du fuselage, les commandes de vol, le train d'atterrissage et ré-entoile complètement l'appareil.
Le moteur Renault et son bâti sont la fourniture de Sauze et Ginou, Rhône Aéroservice à Lyon. Le capotage moteur est réalisé par la CADAF.
Courant mai 1951, Pierre Martinot procède aux essais de l'avion sur le terrain en herbe, si particulier, de Chambéry-Voglans et il décolle face au Lac du Bourget. Arrivé au-dessus de l'extrêmité de la piste, le moteur se bloque, seule ressource pour le pilote, le lac. L'avion touche l'eau, se retourne et s'enfonce. Heureusement qu'à cet endroit le lac le plus profond de France n'a qu'un fond de quelques mètres en pente douce. Pierre Martinot, légèrement blessé à la tête, arrive à se dégager et à regagner la berge, les secours arrivent rapidement de la base militaire du Bourget-du-Lac.

Les frères Durand, présents sur le terrain lors de l'accident, assistent à la récupération de l'avion et décident de le faire, à nouveau, remettre en état de vol par la CADAF.

Les dégâts n'étaient pas très importants, le moteur fur révisé et mieux règlé par Sauze et Ginou, la cellule réparée et contrôlée.

Pierre Martinot reprit les essais et l'appareil immatriculé F-PBFV sera convoyé par ses propriétaires de Chambéry-Voglans à Avignon-Châteaublanc."





The water option - bis
Voici maintenant la version vélivole parue en 1990 dans la petite revue « Albert » du club de Challes.

C'est la traduction d’un article « The water option » de Dillon E.Jackson publié par « Soaring »:

« Quand il n’y a pas d’autre choix, un planeur humide est préférable à un planeur cassé »
Le terrain en-dessous de nous n’étais pas idéal. Nous survolions un pays marécageux avec des champs trop petits. Je me remontais le moral en consultant ma carte : je pouvais encore atteindre Campbell avec mes 1000 mètres. Si nous pouvions grimper un peu, nous pourrions nous diriger vers les aérodromes situés le long de la route n°2, pour plus de sécurité. Notre idée était de se diriger vers Tolt Reservoir tout en gardant un œil sur les conditions météo et notre position pour, au besoin, retourner vers Campbell, si les ascendances se dégradaient.A quelques kilomètres S/SW de Tolt Reservoir, il y a deux petits lacs. Sur la carte, on en voit un juste à côté de la route. Peu de temps après, je prenais un thermique sur le lac. Zoulou Roméo spiralait quelques km en arrière dans une bonne pompe. Dans mon ascendance, j’oscillais entre 1000 et 1100m pendant que Larry annonçait 1400 et avançait au NW de ma position pour prendre à nouveau un bon thermique. Je continuais à me battre dans mon ascendance pour atteindre 1300m et pouvoir ainsi rejoindre Larry avec une bonne marge.

Pourquoi est-ce que je restais ici où je n’arrivais pas à obtenir un thermique régulier ? Je persistais parce que j’étais persuadé que c’était ma technique et non la qualité de la pompe qui était en cause. J’aurais dû me méfier. J’avais plus de 50h sur Cirrus. J’aurais dû avoir assez confiance en moi pour, à la fin, suspecter que c’était le thermique, et non le pilote, qui montrait un manque certain de forme. Mais non. J’étais sûr que j’étais en train de me faire avoir. Quand je tentais de m’éloigner, où que ce soit, la gamelle était là, m’attendant. Après avoir lutté pour prendre 50m dans une pompe hésitante et faible, je les perdais en un seul virage.Après plusieurs minutes à ce régime, je commençais à me sentir mal à l’aise. J’étais bloqué. Il ne semblait pas y avoir de meilleures ascendances à proximité. Il y avait bien les deux thermiques de Larry, s’ils existaient toujours…

En dessous, j’avais des clairières (non, non), une route (possible, pas de poteaux téléphoniques, des arbres sur les deux côtés) et un joli petit lac. Bien sûr, j’étais influencé par les livres qui disent de ne pas quitter une ascendance connue particulièrement lorsqu’on est bas. Il ne semblait pas possible d’atteindre Campbell. Si je me dirigeais vers les pentes des Cascades et que je n’arrivais pas à grimper, j’aurais là aussi des problèmes pour me poser (Allez, viens, petit thermique, monte-moi !). Pas d’autre issue. Au lieu de cela, la pompe disparaissait et se transformais en dégueulante. Je m’échappais avec frénésie. Je me dirigeais vers le Sud pour sortir de ce guêpier et voir à quoi ressemblait la route de Campbell. Les arbres commençaient à monter. Je fis demi-tour et observai quelques clairières.
800m et cela chutait de plus en plus.
« Larry, je pense que je vais y avoir droit. Je vais essayer la route »
« Non, Dillon, remonte ! Pas la route ! » Essayer de remonter était de l’histoire ancienne. Je continuais de chuter
Il est réconfortant de savoir que ce que nous avons lu nous reviens en mémoire lorsque nous sommes en difficulté. « Je dois me poser » annonçais-je à ZR. D’autres échanges radio à ce sujet, et dont vous imaginez la teneur, eurent lieu. Je sortais mon train et préparais mon atterrissage. Il y avait des camions garés le long de la route, travers le milieu du lac. Je viendrais du SE, remonterais la route, passerais sur les camions et atterrirais là où la route était dégagée et droite. Ceci impliquerait une approche longue de 1km sur la route en suivant une trajectoire en S jusqu’à la portion de route rectiligne. (Attention, trop haut !) Un 360. Maintenant, j’étais presque bon. Au ras des arbres, je remontais la route. Pas de lignes électriques, mais il fallait quand même 15 mètres. Je sais que les champs sont préférables aux routes et que la plupart des routes sont bordées de câbles, poteaux signalisateurs, etc. Mais je n’avais jamais pensé à mesurer leur largeur. Au moins jusqu’à maintenant. J’avais passé beaucoup de temps, lors de voyages en voiture, à observer des champs, les analysant pour des vaches éventuelles. J’aurais dû passer aussi quelque temps à examiner la largeur des diverses routes que j’empruntais. Maintenant, j’étais au pied du mur. Quelle était la largeur de ma route ? Le temps s’accélérait.Je ne prétends pas avoir eu l’éclair de génie en abandonnant l’idée de me poser sur la route. En fait, elle était trop étroite ! Je virais serré sur la droite, passais une haie et me retrouvais sur le lac ; un autre virage serré à gauche et j’amorçais ma finale, train rentré. A ce stade, je me concentrais pour me poser le plus près possible de la berge.
Woosh ! J’y étais.
Le Cirrus stoppa beaucoup plus rapidement que je ne m’y attendais, mais j’étais OK. Le planeur commença immédiatement à couler. L’eau bouillonnait déjà dans l’habitacle. Je me battais avec mes sangles et la verrière car j’avais peur d’être complètement submergé avant de pouvoir sortir. Mais l’eau s’arrêta au milieu de ma poitrine. J’ouvrais la verrière et échangeais quelques mots avec des pêcheurs à une dizaine de mètres sur la berge.
« Ca va ? »
« Oui »
« C’est normal, votre amerrissage ? »
« Pas exactement »
« J’aurais du avoir mon appareil photo »
« Revenez la semaine prochaine, je recommencerai ».
Le Cirrus flottait. Pour être sûr qu’il ne coulerait pas, on le remorqua jusqu’à la berge. Mes sauveteurs repartirent pêcher mais un autre groupe arriva et m’aida à démonter le planeur. Nous sortîmes les ailes et la profondeur de l’eau. Le fuselage fût tiré jusqu’au bord. Larry nous survolais, surveillant les mouvements sur le lac. Après confirmation que j’étais sauf, il retourna (prudemment) vers Issaquah. Il revint avec l’équipe de dépannage, et nous installâmes l’oiseau mouillé dans sa remorque.

Sur la route du retour, on rechercha d’autres zones posables. Il n’y en avait aucune pendant des km. Si j’avais essayé tout autre endroit, le planeur eut été endommagé et moi-même sûrement blessé. L’amerrissage avait sauvé l’appareil et le pilote.

Je sais que j’ai fait plusieurs erreurs de jugement et de tactique. Je laisse au lecteur le soin de relever mes erreurs. Croyez-moi, je l’ai fait ! Ces évènements doivent être connus parce que ça peut vous arriver. Si vous vous trouvez trop bas dans une région imposable, recherchez des lacs ou des étangs.

Ne négligez pas l’option lac.