vendredi 20 mars 2009

Sauvée au vol

De 1950 à 1952, le vol à voile a disparu de l’aérodrome de Challes car le Centre National, alors affectataire des installations, enseigna intensivement le vol à moteur. L’Armée de l’Air avait en effet sous-traité la formation ab-initio de ses pilotes avant leur envoi vers les écoles d’Amérique du Nord.

En 1953, le Centre National reprit l’enseignement du vol à voile, d’une part pour des stagiaires venant d’un peu partout en France, et d’autre part pour la section vélivole de l’Aéro-Club de Savoie. Parmi les élèves de cette dernière figurait Marie-Madeleine Reybet-Degat. Elle devait se rendre involontairement célèbre quelques années plus tard et voici le compte-rendu officiel de son aventure parachutiste, tel qu’il parut dans “ Aviasport ” de 1958 :

SAUVEE “AU VOL”

Le jeudi 25 septembre 1958, vers 18 heures Mademoiselle Marie-Madeleine Reybet-Degat, de Chambéry, effectuait un saut O.R. (Ouverture retardée) d'une hauteur de 1500 mètres, au dessus du terrain de Châteaublanc, et sous mon contrôle. Arrivée à 600 mètres du sol, elle actionnait la poignée d'ouverture de son parachute principal, lequel se mit en torche. Cette extraction défectueuse (voilure et extracteur pris dans les suspentes, l'ensemble ayant une forme ramassée en boule), lui fit perdre sa position stabilisée et l'entraîna dans une vrille, ce qui peut expliquer que son parachute ventral se soit emmêlé autour d'une jambe. Cet autre incident empêchant le fonctionnement du parachute auxiliaire.

Ce saut comportait pour mes élèves un test d'ouverture à vue à 600 mètres. Je me trouvais à environ 150 ou 200 mètres en dessous d'eux, ce que je réalisais volontairement, dans l'esprit de ce test.M'assurant que les consignes d'ouverture avaient été respectées, je vis l'élève en difficulté. J'ai cherché à me porter sur sa trajectoire, aidé par une dérive favorable. Mademoiselle Reybet-Degat heurta au passage le bord de ma coupole. Je parvins à saisir à bras le corps la voilure de son parachute ventral et à assurer Mademoiselle Reybet-Degat, qui se trouvait en position “tête en bas”.

Suivant admirablement mes consignes, elle parvenait à se rétablir en s'accrochant à mes jambes, alors que je continuais à l'assurer par la voilure du ventral dont son pied droit était toujours prisonnier. Je décidai, en vue d'améliorer sa position et afin d'éviter deux atterrissages simultanés, de la maintenir par les suspentes de son parachute dorsal. Sur mon ordre, elle lâchait ma jambe et je continuais à l'assurer à deux mètres environ en dessous de moi. Je ne lui cachai pas que l'atterrissage serait brutal et lui donnai les derniers conseils, en vue de s'y préparer. Effectivement le contact avec le sol fut rapide et brutal. Je n'eus que le temps d'écarter les jambes pour éviter mon élève. M'en sortant indemne, il n'en fut de même pour Mademoiselle Reybet-Degat qui souffre d'une fracture du péroné.

Edouard BEAUSSANT
(Article repris dans le numéro de 2000 de ALBERT: http://www.facebook.com/note.php?created&&suggest&note_id=70216091927&id=#/note.php?note_id=60032521927&id=813491854&index=8 )