vendredi 1 avril 2016






L'avion du Blanc se voile de noir...

Vous connaissez les films de Robert Enrico ? Vous savez, ces films virils qui fleurent bon l'amitié, l'Aventure avec un grand « A », les rencontres, la confiance, la solidarité...
L'histoire de Jean-Claude Brouillet, qui nous a quitté ce 29 mars 2016 à l'âge de 91 ans, dépasse en ces domaines tous les scénarios que l'on peut imaginer.
Né en 1925, il a 14 ans quand la guerre éclate. Pendant l'occupation, il devient agent de liaison pour le réseau de résistance Alliance. Arrêté, il s'évade via les Pyrénées, l'Espagne (nouvelle arrestation, nouvelle évasion), Gibraltar et Alger. Intégré dans l'Armée du général Giraud, il s'en échappe pour gagner les Forces Françaises Libres en Tunisie, puis au Gabon. En 1943, il est formé pilote au Maroc, puis en Alabama, aux Etats-Unis.
La suite de l'histoire, il va nous la raconter dans deux ouvrages. Le second, dans l'ordre chronologique, « L'île aux perles noires » concernera la cuture d'huîtres perlières à Tahiti, et intéresse moins les aviateurs.
Mais le premier, « l'Avion du Blanc », c'est un monument !
http://www.aerostories.org/~aerobiblio/article3375.html
C'est donc l'histoire d'un pilote fraîchement formé à la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui décide de lancer à partir de rien une compagnie aérienne au Gabon, qui se démène pour que des pistes soient créées, qui fait prospérer cette société devenue Transgabon et qui aura fait fortune à 35 ans pour repartir alors vers de nouvelles aventures (Tour du Monde sur son voilier, l'African Queen, création de la compagnie Corsair, etc.).
Et pour la petite histoire, il a été marié à l'actrice Marina Vladi.

L' Avion du Blanc c'est également pour moi une autre histoire.
Si la première édition de ce livre chez Robert Laffont date de 1972, il en a été édité une version « J'ai Lu – Leur Aventure » deux ans plus tard.
A l'aube des années 80 , l'étudiant désargenté que j'étais ne manquait jamais de s'arrêter, une fois par semaine sur le chemin de la fac, à la devanture d'une petite librairie. Dans un coin, un carton de livres d'occasion attendait l'acheteur. Il faut dire que la librairie les rachetait 50 centimes pour les revendre 1 Franc, ce qui n'était pas cher même sans les rapporter respectivement aux 0,07 et 0,15 € correspondants de nos jours... J'avais déjà déniché dans ce carton, au fil des semaines, quelques livres d'aviation quand je suis tombé un jour sur l'Avion du Blanc en édition J'ai Lu.
J'ai tout de suite été conquis par ce livre, non seulement pour les aventures extraordinaires qu'il racontait, mais aussi pour le style si agréable de l'auteur.
Deux ans plus tard, j'ai la chance de poursuivre mes études dans une école très tournée vers l'international, avec des condisciples venant de Singapour, de Madagascar, du Maroc, de Tunisie... et du Gabon.
Du Gabon ? Je commence à discuter avec eux de ce livre. Pour les copains gabonais, c'est une espèce de Graal car il est introuvable chez eux, où par contre l'empreinte de Jean-Claude Brouillet est toujours très présente, et sa côte d'amour très élevée.
Aux vacances suivantes, j'amène le livre. Ils me proposent de me l'acheter, et bien entendu je refuse, je n'ai pas tant que ça de livres d'aviation. Ils montent les enchères, me proposant plus de 300 fois ce qu'il m'a coûté. Là, si je refuse encore, c'est que ça devient indécent, je n'en ai pas parlé pour les arnaquer ni ne l'ai acquis pour faire un placement. Je préférerais de loin en avoir deux et pouvoir leur en offrir un exemplaire !
Avec les années, nous nous sommes perdus de vue.
Avec les années, j'ai tout d'abord pu trouver d'autres exemplaires, notamment de la version originale de 1972. Et avec les années, le destin s'est glissé dans la partie, avec l'excellente idée qu'a eue l'éditeur LVE (Le Voyageur Editions) de lancer en 2011 une version revue par l'auteur de ce livre introuvable. Tout le monde, en France comme au Gabon, pouvait désormais y avoir enfin accès. Et par la magie d'Internet je sais qu'au moins un de mes deux amis au Gabon, Dominique et Jean, a pu lire la recension, où je rappelais qu'elle a été écrite en pensant bien amicalement à eux !
Bon vol, Monsieur Brouillet !
Et merci pour les rêves...