En mai 63, breveté avion, il obtient sa qualification remorqueur, ce qui lui permet de venir soulager René Duret, alors le seul de cette section autorisé à remorquer les planeurs. Trois ans après, il passe même, avec René Branciard comme testeur, la qualif spéciale « moteur de 300 chevaux » pour pouvoir utiliser les Morane-Saulnier 505 à moteur Jacobs en étoile. C'est la plus puissante version des « Storch », puisque ces avions sont alors toujours appelés ainsi en France, bien qu'ils n'en soient que des cousins germains...
En effet, comme l'activité vol à voile du centre national de Challes a du laisser la place au seul enseignement du vol moteur, Jean Gourbeyre, son chef de centre, a obtenu de pouvoir mettre à disposition des pilotes savoyards du matériel, planeurs et avions remorqueurs. Gourbeyre a une sacré réputation dans le Landerneau aéronautique, mais il considérera toujours avec bienveillance l'activité de l'aéro-club.
Sur le plan pratique, il n'en est pas forcément de même avec tout le personnel. Un gardien est en poste sur l 'aérodrome, où il dispose d'ailleurs d'un logement de fonction. Ce gardien est chargé de l'avitaillement des avions, mais refuse que cette opération soit faite le week-end. Si les pilotes de l'aéroclub ont besoin de faire le plein d'un avion le samedi ou le dimanche, ils doivent donc aller se ravitailler à Voglans, sur l'autre aérodrome chambérien.
Le 9 avril 67, c'est Paul Bataillou qui doit remorquer. Les jauges du MS 505 F-BCMX n'indiquent plus qu'un demi. Un demi plein, ou un demi vide ? Comme il en a reçu la consigne, après avoir tiré deux planeurs il redécolle de Challes pour aller faire le plein à Voglans.
Alors qu'il se présente au-dessus de Sonnaz pour aller se poser, le moteur s'arrête brutalement, laissant l'hélice mouliner sous l'effet du vent relatif. Comme la branche vent-arrière est alors très basse, elle sera par la suite remontée de 300 pieds, et placée juste au-dessus du plateau de Sonnaz, il se trouve à faible hauteur par rapport au sol. La seule solution est de se poser immédiatement, droit devant. Juste avant la bosse principale, « Paulo » vire à gauche pour sauter une ligne électrique, puis à 90° à droite vers une trouée. Il passe l'aile sous un arbre et s'aligne sur un petit terrain d'herbe mouillée. La roue droite heurte une clôture, dont le fil se prend dans l'hélice et finit de la stopper. L'avion s'arrête doucement dans un talus de terre et recule d'un petit mètre. Ce faisant, le bec de bord d'attaque de l'aile droite s'accroche dans un petit arbre mort, et cette résistance soudaine fait que l'aile se déboîte du fuselage.
Le soir-même, Paul Bataillou, très ennuyé d'avoir endommagé l'avion qui avait été prêté, retourne voir Jean Gourbeyre, C'est ce dernier qui doit lui remonter le moral, puis qui s'occupe des problèmes matériels.
L'avion dormira dans un hangar voisin, pour éviter aux gendarmes de devoir passer la nuit à le garder. Le lendemain il sera pris en charge par les mécanos du centre national. Le moteur sera envoyé à St Auban pour combler un manque. Quant à la cellule, elle sera stockée jusqu'en 1976, pour finir dans un grand autodafé avec quelques restes de planeurs en bois, juste avant le déménagement du centre pour Grenoble-Saint-Geoirs.
A Challes, après cet incident, un accord sera trouvé pour permettre à l'aéro-club d'utiliser les pompes à essence, moyennant de simples relevés des compteurs avant et après les week-ends...
Quant à Paulo Bataillou, il persévérera dans le vol moteur. En 1970 il fera partie de ceux qui lanceront à Challes « Les amis du CLAP 73 », dont il assurera la présidence pendant de longues années. Ce petit aéro-club avait été nommé ainsi car essentiellement composé de modélistes issus de la section savoyarde, fondée en 1962, du « Cercle Laïque d'Aviation Populaire ».
En 74 il deviendra instructeur avion, et il est toujours de nos jours « flight instructor/examiner ». Et bon pied, bon œil, il retourne même vers ses premiers amours, la construction amateur de petits avions.
Quant à moi, c'est comme collégien que j'ai fait sa connaissance en 1971/72. Il était en effet notre professeur de dessin au collège de St Alban-Leysse et ne manquait pas, bien entendu, la moindre occasion en « travail manuel » de nous proposer le montage d'une maquette. Puis en tant que modéliste, j'ai eu la chance de faire avec lui plusieurs stages lors de regroupements annuels.
En avion enfin, il a été un de mes moniteurs. Et aujourd'hui il vient me raconter de chouettes anecdotes, comme cette panne en « Storch » que vous venez de lire.
Merci Paulo !
JNV décembre 2011