mardi 18 janvier 2011

Vous avez les papiers du véhicule ?

En 1997 se déroulèrent en France, à Saint-Auban-sur-Durance, les 25èmes championnats du Monde de vol à voile.

Un an plus tôt avait eu lieu sur le même aérodrome de Château-Arnoux/St Auban les pré-mondiaux de la discipline, pompeusement appelés « Lavender Glide », vraie-fausse épreuve destinée à roder une organisation et à faire découvrir le terrain de jeu aux équipes étrangères, venues parfois de très loin. Cadre technique auprès de la Fédération Française de Vol à Voile, je me devais de participer à l’organisation de cette première étape, et je m’en réjouissais d’avance. Mais qu’y faire ? Ayant travaillé trois ans aux côtés du directeur de la compétition, je savais à quel point je pouvais apprécier ses qualités humaines… et redouter parfois nos divergences techniques. Aussi je fus assez soulagé de me voir confier la rédaction des bulletins quotidiens du championnat, en équipe avec le dessinateur Nicolas Pug. C’est en effet un domaine où il n’y a pas besoin d’arbitrer entre ce que j’aurais appelé rigueur et d’autres de la psychorigidité… Alors, la bride sur le cou, nous nous en donnâmes à cœur joie ! Parmi les pilotes invités, j'eus le plaisir de retrouver François Pin, ex Challésien établi aux USA.

Durant l’hiver 1996-1997 eut lieu au sein de la fédération une révolution de palais, ce qui entraîna également un changement des responsables du mondial à venir. C’est à Michel Fache que revint la direction du championnat.

Encore amusé par ma participation symbolique au pré-mondial, j’eus la surprise qu’il me demande début 1997 rien moins que de diriger les contrôles techniques du championnat. Il était intéressé par le fait de mettre à ce poste un ingénieur aéronautique pouvant se débrouiller en Anglais. Mais surtout il me garantissait que, sil me laissait libre choix de la façon de procéder en me demandant juste de le tenir au courant, il serait derrière moi pour me soutenir lorsqu’il s’agirait d’imposer les choix techniques retenus à l’ensemble des équipes nationales. Les temps ayant changé, pourquoi ne pas accepter également quelque chose de nouveau ?

L’équipe chargée des contrôles techniques était constituée, outre son nouveau chef fraîchement promu, de mes collègues de Jeunesse & Sports Jean-Denis Viriot et Jean-Michel Roy, des pointures dans le domaine de la construction plastique et des techniques en général, et toute l’équipe de la mécanique du centre national de St Auban, sous la houlette du chef d’atelier, Jean-Claude Thoreau. Pour ces derniers, comme nous sortions d’une période assez tendue entre les deux centres présents sur la plateforme, le centre national où ils étaient employés, et le centre fédéral pour lequel j’avais travaillé, nous convînmes que seuls ceux qui le désiraient vraiment viendraient participer, les autres pouvant rester chez eux ou vaquer à leurs occupations du moment que ça n’interfère pas. Et c’est ce que nous fîmes. Deux-tiers de « la mécanique » vinrent filer un coup de main, et ce fut un plaisir de les avoir à nos côtés pour réaliser plein de petits agencements dont nous eûmes besoin au fur et à mesure, pour suggérer des solutions techniques, et souvent pour aider les compétiteurs de tous horizons. Nous rejoignit par la suite le célèbre général-vélivole Jean Vuillemot.

Que doit-on contrôler lors des championnats du Monde ? En fait il faut vérifier tout ce qui devrait l’être d’ordinaire dans n’importe quelle compétition vélivole, mais dont certains domaines sont parfois négligés par manque de temps ou de moyens. Ici, il fallait ne rien laisser au hasard, pour à la fois placer tous les concurrents sur un pied d’égalité technique, et ne pas risquer le moindre recours par la suite devant la fédération aéronautique internationale (FAI). De plus, le sérieux avec lequel nous allions le faire serait aussi une image de l’organisation, pour qu’elle ne paraisse pas l’être « à la Française » selon les idées préconçues de certaines nations qui viendraient.

Le principe semble simple : vous prenez les pages du Code Sportif de la FAI consacrées aux épreuves de vol à voile, vous en extrayez la substantifique moelle puisque ce sera la référence de base, et vous demandez au directeur de la compétition d’inclure dans son règlement particulier tout ce qu’il vous semble bon d’ajouter. Par exemple, pour ces épreuves prévues dans l’environnement bien spécifique des Alpes où beaucoup de planeurs se concentrent en des points particuliers (pentes, points de virage), nous décidâmes d’imposer le port sur les ailes de panneaux autocollants orange-fluo d’assez grandes dimensions pour diminuer le risque de collisions. Cela n’existait pas à l’époque, mais si cela avait été le cas il est certain que les Flarm (GPS anti-collision pour ceux qui ne connaissent pas) auraient été obligatoires.

Pour simplifier, les contrôles concernaient sept points en particulier, pour des raisons soit de sécurité, soit sportives. Outre les marquages fluo sur lesquels nous reviendront, il y avait :

Les immatriculations de concours, pour commencer. C’est un ensemble de deux ou trois caractères utilisés pour identifier le planeur en lice, différent de son immatriculation administrative lorsque le pays d’origine l’impose, ce qui n’est pas toujours le cas. Un peu comme le numéro de course « 53 » de la célèbre Coccinelle Volkswagen des films de Walt Disney. Le règlement impose que les immatriculations de concours soient présentes sur chaque côté de la dérive et sous une aile, et qu’elles soient de dimensions fixées et de caractères reconnus. Pourquoi doit-on le vérifier ? Parce que si elles servent surtout à l’identification des planeurs lors de leur arrivée, elles peuvent être utilisées entre concurrents à titre tactique, et il convient alors que tous soient traités également.

L’autorisation de voler, ensuite. C’est un peu comme la carte grise de votre voiture. Il n’y a rien de plus disparate d’un pays à l’autre, sans compter que les planeurs présents dans une compétition d’un tel niveau sont en général du dernier cri, prototypes ou versions si récentes qu’ils doivent se contenter pour voler d’un laissez-passer de leur administration nationale.

L’envergure. L’envergure d’un planeur est importante car elle conditionne l’appartenance à une classe ou à l’autre. En 1997 il n’existait que trois classes : D’une part les classe « standard » et « 15m », d’envergure limitée à 15 mètres et ne se différenciant que par la présence ou non de volets de courbure sur les ailes, et d’autre part la classe « libre » sans limitation au point de vue de la taille des ailes ou des dispositifs qui la composent. Mais faut-il encore le vérifier…

La configuration, qui devait rester inchangée. La configuration, c’est la façon dont est constitué le planeur. En l’occurrence le seul élément susceptible d’être vraiment changé, et c’est toujours le cas de nos jours, c’est l’extrémité des ailes. En effet certains planeurs peuvent être équipés ou non de winglets, ces surfaces verticales que l’on trouve au bout des ailes. En compétition certains pilotes auraient pu être tentés, selon le type de prévision météorologique attendue (vol à grande vitesse ou non), de monter ou non ces extensions verticales selon leur bon plaisir, voire même d’expérimenter différentes formes et versions de la chose. Das ist verboten !

L’absence d’instruments de vol permettant le vol dans les nuages. Pour la pratique habituelle de la discipline, le vol aux instruments en planeur peut être autorisé ou non par chaque pays, cordonnier étant maître chez lui. Ce n’est pas le cas en France. Mais on trouve parfois, selon les nationalités, des planeurs équipés d’instruments gyroscopiques permettant le vol dans les nuages. En compétition, cela n’est pas autorisé, ou ne l’est plus en tous cas depuis des temps anciens où plusieurs pilotes avaient été blessés ou tués après avoir été happés par un gigantesque nuage d’orage lors d’une telle pratique. Outre la non-sportivité que cela peut sous-entendre, un pilote pouvant trouver un jour un avantage substantiel à monter plus haut que tous les autres, c’est bien entendu encore plus dangereux en zone montagneuse, et la présence de tels instruments est donc doublement interdite dans un tel championnat.

Et enfin, la masse maximale en vol. Elle dépend aussi des classes. Elle est limitée à 500kg pour les classes standard et 15m, et à 750kg pour la classe libre. Le problème vient du ballastage, c’est-à-dire l’emport d’eau dans les « water-ballast », eau destinée à favoriser le vol rapide par bonnes conditions météorologique mais pouvant être vidangée en vol lorsque les conditions aérologiques se détériorent, ou à l’atterrissage pour alléger le planeur. Qui dit remplissage journalier dit possibilité quotidienne de dépasser la masse maximale autorisée, ce qui n’est ni réglementaire, ni fair-play et donc susceptible d’être là-aussi source de contestation.

Attardons-nous sur ce dernier point. A l’époque j’avais déjà eu l’occasion de voir lors de divers autres championnats internationaux comment cela se passait. La direction d’un championnat décidait chaque matin du contrôle de quelques planeurs, en général le vainqueur, voire les trois premiers, de l’épreuve de la veille, plus quelques autres tirés au hasard. Il faut dire à leur décharge que la pesée complète d’un planeur et de son pilote était une opération lourde, prenant pas mal de temps, et nécessitant une équipe complète pour hisser le planeur sur des balances assez imposantes. Le tout devant se faire en général juste avant les décollages pour que le pilote soit disponible. Mais la nature humaine étant prompte à la transgression des règlements dans la mesure où les « chances » de se faire prendre sont assez faibles, il y avait souvent des suspicions de tricherie. Et même alors, le gendarme courrait toujours après le voleur sans pouvoir le rattraper.

J’avais eu vent que, lors des précédents championnats du Monde à Omarama, les Néo-Zélandais avaient expérimenté une méthode nouvelle, qui consistait à se faire une représentation des masses du planeur avec et sans son pilote pour pouvoir gagner du temps en effectuant les contrôles le matin, dès la mise en piste des planeurs. En effet ce sont en principe les équipiers au sol du pilote qui amènent son planeur sur la grille de départ, et disposer de cette méthode permet de commencer plus tôt, alors que le pilote lui-même est encore en salle de briefing pour l’exposé du bulletin météo et des épreuves envisagées.

Nous décidâmes donc d’imposer cette méthode révolutionnaire : On allait contrôler tous les planeurs, et ce tous les jours !

Lors des journées de contrôles qui précèdent le championnat, il serait demandé à chaque pilote de se présenter avec son planeur water-ballasts emplis au maximum. Puis, monté sur la balance en condition de vol, pilote assis dans son habitacle, nous pèserions l’ensemble. En général, on devrait alors dépasser volontairement la masse maximale autorisée, les 500 kg par exemple pour les « petites » classes. Puis, en vidangeant petit à petit l’eau excédentaire, nous l’amènerions exactement à la limite imposée. Ensuite, sans ne plus toucher à la quantité d’eau restante, le pilote descendrait et le planeur serait alors présenté une seconde fois, « en configuration de mise en piste », c’est-à-dire tracté par une barre portant la queue, par une barre simple ou par un câble, sachant qu’il serait ensuite vérifié que c’est bien ainsi que le planeur serait quotidiennement amené en piste.



C’est la nouvelle mesure, propre à chaque planeur et prise alors uniquement sous le train principal, qui servirait par la suite de référence pour les contrôles journaliers. Chaque matin, il suffirait ensuite d’une mesure rapide pour savoir si la masse max était respectée ou non. En cas de doute, le planeur litigieux serait alors envoyé à l’abri du vent dans un hangar pour une « vraie » pesée avec son pilote. Cette procédure fut envoyée plusieurs mois à l’avance aux différentes équipes… sans réaction.

Cela nécessitait toutefois de disposer de balances peu épaisses, mais suffisamment larges. Elles furent dégottées chez un spécialiste des chargements de palettes, ainsi qu’un télémètre laser pour le contrôle des envergures, par mes co-équipiers Jean-Denis et Jean-Michel. C’était des balances très fines mais d’une surface d’environ un mètre carré, fonctionnant électroniquement (si, si, au siècle dernier !). L’équipe de J.C.Thoreau se chargea de construire des mini-rampes qui permettaient de placer un planeur dessus très facilement.

Quelques jours avant l’ouverture officielle des épreuves, arrivèrent donc les quelques journées pendant lesquelles il était imposé aux pilotes de se présenter à ce contrôle technique « amélioré ». Tous ne l’ont pas fait de gaité de cœur (doux euphémisme) et beaucoup ont attendu le dernier moment, se disant qu’avec une organisation « à la Française » ils avaient des chances de passer au travers. Parmi les réfractaires on trouva même des membres de l’équipe de France, se disant que des copains ne pouvaient pas leur faire ça… Si, si, ils purent ! On leur expliqua que, notamment ici à St Auban où ils avaient un net avantage du terrain, il fallait qu’ils soient irréprochables techniquement, pour qu’aucune ombre ne vienne entacher leur éventuelle victoire.

Chaque pilote se présenta donc avec son planeur. A défaut de leurs empreintes digitales et de leur ADN, après contrôle des certificats de navigabilité ou des autorisations de vol, nous primes des photos anthropométriques de leurs éventuelles winglets, devant une grille devant mettre en évidence une modification ultérieure.



Nous procédâmes à la méthode de pesée telle que nous l’avions conçue. Le principal problème était d’expliquer à chaque pilote le pourquoi du comment, rarement en Français, plus souvent en Anglais ou dans un truc indéfinissable, mélange de différents dialectes, d’espéranto et de langue des signes.

Ca se compliquât avec la mesure de l’envergure. Jusque là, les années précédentes, cette mesure était réalisée avec un double décamètre d’arpenteur, et donc avec une certaine flexibilité, c’est le cas de le dire. Chez nous, que nenni ! Avec un télémètre laser, et grâce à des bâtis soigneusement réalisés par la bande à Thoreau, nous découvrîmes des choses surprenantes. En effet, si les planeurs un peu plus anciens, à l’époque, tels que les Discus et LS-6 entraient à peu près dans l’épure des 15 mètres, les plus récents se baladaient facilement entre 15,03 et 15,15 mètres ! La faute aux winglets dont nous avons parlé car ces surfaces dites verticales ne le sont généralement pas exactement, présentant un petit angle d’ouverture qui augmente de ce fait un tantinet l’envergure. Comme on leur communiquait aussi le barème des points de pénalité (tant de pourcentage sur chaque épreuve en fonction de l’excédent), bien des pilotes furent catastrophés. La faute ne leur en revenait pas vraiment, l’erreur venant du constructeur, mais c’était quand même à eux de se présenter avec un appareil conforme.

Heureusement pour tout ceux qui disposaient d’un planeur de chez Schleicher, l’ingénieur Gehrard Waibel (le « W » des ASW20, ASW22, etc.) présent au titre du service après-vente décida d’intervenir sur ses petits, et décapeur thermique à la main pour en chauffer le pied, il forçat les winglets récalcitrants à revenir à la position verticale, droit chemin dont ils n’auraient jamais du s’écarter…

Pour les planeurs des autres marques, une procédure similaire fut proposée par des spécialistes de la construction/réparation de planeur en stratifié.

Bon, d’accord, les emplantures de winglets conservèrent par la suite des traces noircies de ces interventions, mais l’honneur était sauf grâce à cette opération chirurgicale d’envergure !

Le record revint à un Américain, qui avait apparemment fabriqué lui-même ses pennes, de superbes lames de sabre en presque demi-lune, présentant une telle ouverture vers l’horizontale qu’elles dépassaient de plus de 25 cm ! Il fut bien sûr autorisé à revenir se présenter dans une configuration plus conventionnelle, et réussi le tour de force de se procurer en trois jours d’autres winglets en Allemagne!





Quant à la palme de la mauvaise foi, elle revint à un célèbre pilote étranger mais néanmoins héritier du sang de nos anciens rois de France, qui nous expliqua pendant des heures que son planeur était conçu pour que les ailes se relèvent en vol, et donc que l’envergure que nous mesurions au sol n’était pas représentative de la réalité. Et ainsi que notre mesure ne pouvait pas être retenue comme valable. Ce fut le Code Sportif qui vint à notre rescousse, puisqu’il prévoyait heureusement cette mesure au sol. Notre pilote proposa donc de présenter son appareil posé sur le dos, puisqu’ainsi la gravité devait jouer dans le sens de sa démonstration. Comme rien ne prévoyait cette éventualité dans nos règlements, et donc que rien ne l’interdisait, j’acceptai bien entendu sa proposition, curieux de voir comment il allait s’y prendre. Mais étrangement, il ne tint pas son pari et préféra aller s’en remettre aux mains expertes et correctrices de Gehrard Waibel… Les jours suivant, il eût la noblesse de ne pas revenir sur le sujet.

Les immatriculations donnèrent lieu également à quelques réjouissances. La plus marquante fut celle de cet ASW-22 américain qui arriva avec « SS » comme numéro de concours. Chez nous la connotation de ce sigle est un peu fâcheuse, mais rien ne l’interdit vraiment. Nous lui en fîmes toutefois la remarque mais il semblait de bonne foi, c’est apparemment une abréviation coutumière aux USA dans le monde de la course automobile, signifiant quelque chose comme « Spécial Sport ». Là encore, le code sportif mit tout le monde d’accord, car ses lettres étaient de toutes manières trop petites. Il revint donc peu après, arborant grâce à des bandes de scotch rapidement posées par-dessus l’immatriculation originale, un magnifique « $$ » qui le mettait aux normes, et qui fut bien sur accepté, ne serait-ce que pour son astucieuse réponse …



Pour les instruments gyroscopiques, nous demandâmes le démontage de quelques horizons artificiels et billes-aiguilles dans ce contrôle initial. Ce sera ensuite la tâche de Jean Vuillemot, par vérification visuelle juste après l’atterrissage des pilotes lors des épreuves quotidiennes de contrôler que personne n’aura eu l’idée d’en remonter un, voire d’en embarquer un plus ou moins portable dans un recoin de l’habitacle.

Il restait l’apposition des panneaux autocollants orange-fluo. Quelle comédie de gestes !

La grande majorité des pilotes essaya de nous convaincre que cette excroissance allait dégrader les performances de leur appareil. Il fallut là-aussi user de beaucoup de pédagogie et de diplomatie pour à la fois leur imposer ces marquages, mais de toutes manières ils n’avaient pas le choix, et les convaincre du bien-fondé de la chose. Nous leur indiquâmes comment les poser sans faire de bulles, grâce à la technique « SNCF » qu’un copain, Philippe Mazzega, m’avait donnée auparavant. Il m’avait expliqué que, dans le cadre de son boulot, la pose des très grands autocollants sur les TGV se faisait après les avoir trempés dans de l’eau savonneuse. Cela permettait de positionner un panneau en le faisant glisser, puis de chasser l’eau par lissage en évitant ainsi les cloques et les bulles d’air. Ca marchait parfaitement, je l’avais vérifié. Mais allez donc expliquer ça à un pilote, de préférence étrangeophone ! Certains nous firent confiance, et n’eurent pas à le regretter. D’autres préférèrent se débrouiller avec leurs autocollants et leurs bulles. Heureusement nous avions prévu une grande quantité de ces panneaux pour fournir chaque pilote, plus les inévitables ratés.

Tout cela nous occupa sans relâche pendant la petite semaine des contrôles techniques, avec des horaires allant croissant. Plus l’échéance fixée par le règlement approchait, plus les pilotes se rendaient compte qu’ils ne pourraient de toutes manières pas y échapper. Certains tentèrent d’apitoyer Michel Fache, qui ne plia jamais et déboutait systématiquement les mutins en se remettant entièrement à mes rapports. Petit à petit, chacun rentra dans le moule, mais le gros de la tâche s’accumula évidemment sur la dernière journée, et les derniers contrôles se déroulèrent tard dans la nuit !

Mais le matin de la première épreuve, tout était en ordre.

Il restait cependant à procéder aux contrôles journaliers, vérifier que tout restait en ordre par rapport à la configuration dans laquelle chaque planeur nous avait été présenté, et surtout s’occuper des pesées quotidiennes. En fonction de la piste choisie par le comité d’organisation, un cheminement au sol était imposé aux équipiers amenant les appareils en piste, avec un passage obligatoire par une de nos balances. Le premier jour, il y eut des dépassements de masse, soldés par un simple avertissement au pilote et l’obligation de vider une partie de l’eau pour se représenter en règle. Il n’y eu qu’une seule contestation sur la méthode, par un des pilotes mesurés en excédent. Pas de problème, il dut donc ramener son planeur au hangar de la mécanique pour une pesée officielle. Sur le chemin, il fut pris à déballaster, et eût droit à un avertissement officiel pour suspicion de tricherie. Non, non, n’insistez pas, je ne vous dirai pas qui c’est. Les deux jours suivants, les excès furent quasiment négligeables, et à partir de la quatrième journée, il n’y eu plus une seule fois un planeur en excès de poids, preuve que la procédure fonctionnait et qu’elle avait été parfaitement assimilée !

Pour ce qui est des épreuves sportives et des résultats, c’est une autre histoire et ce n’est pas à moi de la conter, mais ce fut très intéressant.

En fin de championnat, nous eûmes les félicitations des stewards envoyés par la Fédération Aéronautique Internationale pour s’assurer du bon déroulement de la compétition. Ils avouèrent qu’ils avaient été un instant inquiets au début pour ces contrôles techniques, puis vite rassurés en voyant comment cela se passait. Les pilotes eux-mêmes semblèrent ne pas me tenir rigueur des contraintes que nous leur avions imposées, réalisant que cela avait joué dans le sens d’une plus grande équité sportive. Je ne saurais trop remercier Michel Fache, aujourd’hui hélas disparu, pour l’appui indéfectible qu’il nous a apporté, et je pense qu’il n’a pas non plus eu à le regretter.

Et un an et demi plus tard ce sont les organisateurs des championnats du Monde suivants, à Bayreuth en Allemagne, qui nous demandèrent de leur fournir nos documents de préparation pour pouvoir s’en inspirer. Ca faisait plaisir !