Connaissez-vous ce cher petit avion: le Piper J3 ?
Non ? Et bien moi, si ! Je vais donc tenter de vous faire apprécier ses qualités et ses...
Non, il n'a pas de défauts.
Vous êtes donc prêts pour ma petite histoire ?
OK ! Partons ensemble à l'assaut des hautes altitudes.
Nous sommes le 17 février 1980. Il est 13hTU et nous arrivons à l'Aéro-Club des Ailes Toulousaines situé sur l'aérodrome de Lasbordes. Nous avons une grosse et géniale idée dans la tête, en l'occurence celle d'essayer d'atteindre le plafond de notre Piper J3. Excellente idée, n'est-ce pas ?
Le temps est magnifique, quelques cumulus se partagent le bleu inhabituel d'un ciel de février et nous contemplons, sur le pas du hangar, ces gros moutons blancs que nous allons rejoindre bientôt.
Sur le parking notre J3 F-BETR est là, tout prêt à s'envoler. Il a si fière allure dans sa livrée blanche aux rayures jaunes et mauves que j'en suis tout ému !
Allons cavalier, resaisis-toi ! Et va rejoindre ta monture avec ton ami... !
Nous effectuons dûment notre visite prévol et nous nous retrouvons confortablement installés aux commandes de notre Piper prêt à bondir.
Mais avant de poursuivre, peut-être est-il temps de vous décrire plus précisément ce petit avion.
Le Piper J3 est un monomoteur, monoplan et bipace en tandem. L'équipage est généralement composé de deux pilotes. Vous en déduisez par ailleurs immédiatement le nombre de passagers.
Ces nouvelles données étant acquises et nos ceintures maintenant attachées, nous sommes parés pour la mise en route.
La radio étant "sans objet" sur notre Tango-Roméo, nous ne nous encombrons pas d'autorisation de contrôle pour le démarrage du moteur.
Nous demandons à une bonne âme musclée de bien vouloir nous brasser le moteur pendant que nous effectuons quelques injections, puis nous procédons au démarage du bon vieux Continental 65cv équipant notre racer sorti de l'usine où il fut mis au Monde en 1943.
"Manche au ventre - Freins serrés - un poil de gaz - Contact 1+2" et le quidam qui s'était octroyé 14 "pales d'hélice" pendant les injections en bénéficie d'une de plus afin de lancer le moteur.
Attention... Han ! Paf Paf Paf ! ô joie la machine s'ébranle. Que le lecteur se rassure, nous n'avons pas vendu le démarreur pour boire mais il n'a jamais existé sur le J3.
Nous effectuons la check-list après mise en route. Cette dernière se résume à vérifier si la pression d’huile est correcte et à donner un petit coup sur l’indicateur de température de l’huile susdite afin que l’aiguille daigne se déplacer. D’ailleurs en ce dimanche, l’aiguille prendra une retraite bien méritée au voisinage du zéro après 37ans de bons et loyaux services.
Nous arrivons maintenant au point d’arrêt, puis, après un ACHEVER succinct, nous mettons les gaz, déchaînant ainsi 65 chevaux quand même un peu vieillis par les ans. Et oui ! Ils ont le même âge que l’aiguille de température d’huile.
Au bout d’une bonne cinquantaine de mètres, le F-BETR s’envole et nous avec... Si, si !Trois minutes plus tard nous sommes à 400 pieds, altitude à laquelle nous rentrons les volets sur un avion classique. Mais le J3 n’en comporte pas. Heureux pilotes que nous sommes !
Tout à coup, dans l’azur, ces petits cumulus que nous regardions, il y a quelques instants, semblent nous narguer. Le réflexe du chasseur se déclenche donc et un dur combat s’engage.
Nous en choisissons un pas trop gros et nous l’alignons dans notre collimateur qui fait aussi office de jauge à essence lors des missions ordinaires.
C’est maintenant la lutte infernale entre le cumulus et le J3. Nous ne le lâchons plus. Nous sommes à 1000ft et le vario indique un mètre par seconde. Le cumulus se rapproche et nous effectuons un 360° afin d’assurer la sécurité dans le secteur de chasse, mais en sortie de virage le nuage n’est plus là. Ne riez pas ! C’est bien le cumulus qui a fuit et non la vitesse du J3 qui est faible.
Tant pis, nous allons poursuivre notre ascension vertigineuse.
La montée s’effectue toujours sans problème jusqu’à 5000ft mais le vario accuse le coup : il n’est plus que d’un demi mètre par seconde. Cependant nous grimpons encore bien.
C’est maintenant l’altimètre qui fait des siennes. Il ne s’enroule plus que lorsque le brillant pilote en place avant lui tapote la joue. Il a trente-sept ans lui aussi. Pas le pilote… l’alti.
Nous voici arrivés à 8000ft et cela fait 30 minutes que nous volons. Nous avons un peu le sentiment que quelques chevaux se sont évanouis mais les paramètres sont corrects.
8500ft – vario : 0,35 mètre par seconde9000ft – vario : 0,30 mètre par seconde
Ca grimpe toujours mais à 9500 pieds, il nous faut adopter une nouvelle méthode d’ascension.Palier jusqu’à Vno = 120km/h puis ressource à 1,02g pour atteindre 9600ft à 40km/h (le J3, avec beaucoup de moteur, vibre mais ne décroche point).
Repalier, re-Vno et reressource, nous atteignons 9900ft. Un dernier tapotement sur l’altimètre et nous voici à 10.050ft, mais le Piper J3 ne monte plus. Nous avons atteint son plafond et il nous semble que nous faisons du ballon libre.
Mais laissons là les aérostiers et regardons un peu notre jauge. Elle est bien comateuse et il nous faut donc regagner le sol.
Après une descente rapide, parce qu’effectuée en décrochages successifs, nous regagnons le tour de piste où notre Tango-Roméo redevient bien innocent.
Finale, atterrissage sans rebond en moins de cinquante mètres, c’est la fin d’un très beau vol.Le QFE était ce jour-là de 1013mb, nous avons atteint le niveau 100 en 44 minutes.
Le J3 n’est pas lent, il est paisible…
[Article écrit par Gérard Desbois, stagaire Officier Mécanicien Naviguant en 1979/80 à l'ENAC dans le bulletin de l'école, le "QUA"]
Depuis Gérard Desbois a repris plusieurs des récits qu'il avait écrits et il en a publié:
http://www.aerostories.org/~aerobiblio/article1419.html