Officiait comme « steward », c’est-à-dire comme expert de la Fédération Aéronautique Internationale observateur de la compétition et de son bon déroulement le professeur Piero Morelli.
Je fus très heureux de le rencontrer car je m’intéressais déjà un peu à l’histoire du vol à voile et je savais que son frère Alberto et lui avaient été les concepteurs des planeurs M-100 Mésange et M-200 Foehn que nous utilisions dans mon club.
Si la Mésange ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, le Foehn a toujours gardé pour moi une côte d’amour très élevée. Outre que ce fut la machine de mon baptême de l’air, c’est un biplace dans lequel j’ai passé pas mal d’heures à user mes fonds de culottes, entre la découverte des premiers circuits en mutuel avec Pierre Guillot et les multiples vols d’initiation que j’ai pu faire avant de devenir moi-même instructeur. Ah, le charme du M-200, ses craquements en vol de vieux gréement, sa fermeture de verrière en capsule de limonade, sa charge limitée -en théorie- à 120kg, ses sièges décalés, et ce compensateur à roue sur le flanc gauche du fuselage qui imposait, lorsqu'on le pilotait de la place droite, de devoir laisser son bras dans le dos de la passagère en place gauche... Avec UN passager, c’était moins drôle. Un vrai biplace à baptêmes de l'air... !
Discutant avec Piero Morelli, et comme je lui confessais qu'il était pour moi une espèce de dieu vivant (Imaginez, parler à celui qui a conçu la machine sur laquelle vous avez pour la première fois pris l'air !) il avait modéré très modestement mon enthousiasme en me racontant que si son frère et lui avaient bien créé le M-100, le M-200 n'était qu'une extrapolation par ajout de quelques nervures pour l'aile et création du fuselage-barque, essentiellement réalisée en France par Jacquet et Pottier (La Carmam). Par contre il a existé aussi à Turin un M-300 de course conçu par le professeur et son frère mais il n'y a pas du en avoir beaucoup de construits.
En fait l’histoire remonte à bien plus tôt. A l’âge de 28 ans, Piero fonda en 1952 le Centro di Volo a Vela del Politecnico di Torino » dont il fut le président jusqu’en 1958. Professeur d’aérodynamique à ce Politecnico de Turin, il conçut avec son frère Alberto toute une lignée de planeur dont le sigle commence par « CVT ». L’apogée de leur travail fut certainement le M-100, planeur en bois à profil laminaire dont la version de série avec une envergure de 15 mètres, le M-100S, fut construite à environ 200 exemplaires.
De 1958 à 1969 Piero participa à de nombreuses compétitions et il fut en 1961 le premier Italien à obtenir l’insigne d’Or avec deux diamants. De 1960 à 1987 il fut capitaine de l’équipe d’Italie au cours d’une dizaine de championnats du Monde, et fut lui-même directeur de la compétition lors des mondiaux de Rieti en 1985.
En juillet 1988 il organisa une compétition internationale d’économie en motoplaneur pour promouvoir le rendement exceptionnel que peuvent avoir ces appareils menés au mieux de leurs performances. Comme nous étions restés en contact, il m’envoya une invitation et ce fut une expérience merveilleuse que d’y participer. Je m’y rendis avec Michel Franc, un pilote d’avion rencontré à St Auban où il était venu apprendre à utiliser de manière vélivole un Fournier RF-10 qu’il venait d’acquérir. Le franchissement de la frontière fut épique, avec la douane sur l’aérodrome international de Turin parqués entre un DC-3 et un Catalina.
Les épreuves furent souvent difficiles, avec notamment une navigation parfois aléatoire dans la quasi-permanente brume de la plaine du Pô. J’imagine qu’il en irait tout autrement de nos jours avec le GPS. Mais ce fut vraiment intéressant, et la gentillesse de Piero avec les deux petits Français, toujours prêt à rendre service, faisant la navette pour nous matin et soir entre l’hôtel et l’aérodrome ou nous priant même au restaurant reste un souvenir fabuleux.
Car, au-delà de ses connaissances et de son ouverture d’esprit (il fut promoteur des motoplaneurs comme nous l’avons vu, mais aussi de la Classe Mondiale et de bien d’autres voies à explorer pour le vol à voile), au-delà des honneurs (tout un tas de médailles et récompenses lui furent attribuées de 1961 à 2003) et des responsabilités (entre autres président de l’OSTV pendant 22 ans), au-delà de la qualité de ses publications scientifiques et techniques, l’image qui restera de lui sera certainement sa courtoisie, sa politesse et sa gentillesse.
Il nous a quittés il y a trois ans, le 2 janvier 2008, à l’âge de 83 ans.