mardi 12 mai 2009

Thoret Mont-Blanc et l'Ecole des Remous

Joseph Thoret est un aviateur des extrêmes, qui n'a jamais laissé indifférent.
Du va-t-en-guerre attaquant un appareil ennemi au pistolet en 1914 à l'ermite qui a hanté de ses vieux jours l'aérodrome de St Rémy, il en a marqué, des lieux.
Intéressons-nous pour l'instant à l'empreinte qu'il a pu laisser dans les Alpes du Nord, de 1926 à 1935.

Maurice Cornebois et Lionel Pastre lui ont rendu un hommage plus général dans leurs ouvrages.
Le 7 juin 1926, Joseph Thoret décolle de Genève à bord d’une avionnette de 40cv, dans le but d’atterrir sur le Mont Blanc. Il parvient à le survoler, mais la météo l’empêche d’y atterrir. Il ne peut ainsi renouveler l’exploit de François Durafour, qui, le 30 juillet 1920, avait réussi à se poser avec un Caudron GIII sur le Dôme du Goûter, à 4330 m d’altitude. En août 26 Thoret, toujours sur son avionnette Albert-Salmson 40cv réalise une double traversée des Alpes, de Genève à Turin et retour.
Le 6 sept 26, enfin, il survole trois fois le Mt Blanc pour ravitailler l’observatoire Vallot
Basé à Passy-Mt Blanc, « Thoret-Mont Blanc »En août 1927, Joseph Thoret donne une interview au Petit Dauphinois. Il parle de ses ravitaillements de l’observatoire Vallot à partir du terrain de Chamonix-Les Praz. Il prône la réouverture du terrain du Fayet, déjà ouvert avant la guerre, pour une ligne régulière au départ de Genève. Pour ce faire, il a suivi un stage sur skis en Finlande.
En janvier 1928, le service aérien Genève-Mt Blanc dont il a rêvé est inauguré. Les essais sont menés par Robert Bajac, Chef-pilote d’Air Union, et par Thoret lui-même sur un bimoteur Farman Goliath « Le Languedoc ».
Les appareils utilisés ont pu varier car Eric Nessler, dans son Histoire du Vol à Voile, nous parle d’un service de navigation mixte commencé le 17 janvier 1928 entre Genève et Chamonix avec une berline SPAD 420cv.Début juillet 28 une fête aérienne est donnée à l’aérodrome du Mt Blanc, à l’occasion de son inauguration officielle et en l’honneur de Thoret. A cette occasion, il vole avec le grand écrivain Roger Frison-Roche.
En janvier 1929, on retrouve Joseph Thoret au Mt Blanc, cette fois-ci avec un Farman Goliath.
Le 31 janvier 1929 il survole le Mont Revard, au-dessus de Chambéry, pour le tournage d’un film.
En février 1929, il survole la deuxième ascension hivernale du Mt Blanc.En juillet 1929 Thoret reçoit la visite aérienne de M.François-Poncet, avec un Potez 32. En août il emmène son 1000ème passager au Mt Blanc.
Dans la nuit du 21 au 22 septembre, il réalise même le 1er survol du Mt Blanc au clair de lune.
En octobre 1929 Thoret réussit à monter à 5000m au Mt Blanc.En mai 1930 Thoret subit un accident matériel sur un Potez 36 dans le Rhône.Ses passagers au-dessus du Mt Blanc sont parfois célèbres (à l’époque…) : Mme Rocco, femme du Ministre italien de la Justice en juillet 1930, Fernand David, Ministre de l’Agriculture un mois plus tard.Pourtant, en novembre 1930, Thoret quitte le Mt Blanc après un différent avec la maison Potez.
Pour plus de renseignements, voir http://www.pionnair-ge.com/spip1/spip.php?article323 A Lyon et à Challes :Le 28 janvier 1931, le « Club Aéronautique Savoyard » organise à Aix-les-Bains une conférence avec Joseph Thoret comme invité. Dans la grande salle de l’Eden, il raconte le vol mémorable de Biskra, au cours duquel il avait tenu l’air pendant 7 heures sur un avion hélice calée.
Pendant l’été 32 le capitaine Thoret, qui dépend officiellement du 35ème Régiment d’Aviation de Lyon-Bron, est basé à Challes pour une étude sur les courants aériens. Le 30 août, Joseph Thoret et son sous-officier mécanicien se posent en panne moteur à Annecy. Après réparation, ils peuvent repartir sur Challes.
En 1933, le capitaine Thoret, est chargé du transport du Ministre de l’Air, Pierre Cot, lorsqu’il se rend en Savoie, d’où il est originaire. En dehors de ses missions de « pilote ministériel » Thoret est à nouveau affecté à Challes pour concrétiser les études aérologiques qu’il y a menées l’an passé par l’ouverture d’une école de vol alpin. C'est en fait le capitaine Girard qui va prendre la direction de l'Ecole de Vol en Montagne, Thoret étant chargé du pilotage et le Capitaine Wassmer de l'observation. L'école constitue une escadrille dépendant de la 5ème Brigade Aérienne de Bron et elle a été crée avec le soutien du lieutenant-colonel Girier. Pour Thoret, c’est "l’école des remous" ou "école de tempête alpine ». Elle utilise deux Hanriots 230 et un Hanriot 14 (plus tard des Hanriot 32 ?) et réalise une moyenne de soixante heures par mois. En fait d’école, il s’agit plutôt d’un camp estival, les hangars et les baraquements étant démontés à l’automne alors que les officiers et sous-officiers retournent à Bron.
Au fil des affectations de son « Ecole des remous », ses équipiers, qu’il surnomme « Fleur-de-Nave », « Crâne-de-piaf » ou « Trompe-la-mort » sont André Jullian, P.Wernert et Firmin Guiron. P.Wernert battra quelques années plus tard le record de distance en planeur. Quant à F.Guiron, il animera par la suite l'aérodrome du Fayet. Thoret réussit de nombreux vols de durée hélice calée pour montrer l'intérêt pratique d'utiliser les mouvements atmosphériques en appoint ou en remplacement d'un moteur d'avion. Bien qu'il préfère un avion pour faire ainsi du vol à voile, il réalise néanmoins quelques vols en planeur biplace AVIA 20 A. Les premiers lancers de planeur au sandow ont lieu au départ du hameau de Bellevarde, sur le Mont St Michel.
Après le Capitaine Girard, l'école ouverte par "Thoret-Mont Blanc" est successivement commandée, au fil de son fonctionnement estival, par le Lieutenant Morgan, le Colonel Ruby et le Capitaine Gonin (Gouin d’après René Dufour). Parmi ses élèves, Louis Valette qui deviendra Chef-Pilote adjoint au Centre National de la Montagne Noire, le colonel Jehan de Philip, pilote de Lioré au 35ème régiment de Bron, les commandants Toldo et Feltz.
Le 15 août 1933, Joseph Thoret tente une démonstration de vol à voile lors du meeting annuel qui se tient à Challes. Au milieu de bien des célébrités (Delmotte, Détroyat, Maryse Hiltz…) et devant un public nombreux, il décolle en Avia 20, mais ne parvient pas à accrocher et ne réalise que quelques minutes de vol. De quoi confirmer la préférence avouée de Thoret pour l’avion à moteur !
En août 33, à Chambéry sont projetés deux films sur le vol en montagne, le premier sur le Mont Blanc, tourné par Thoret et Bajac, le deuxième sur un vol de groupe dans les Alpes, réalisé par un caméraman de l’Eclair-Journal passager de Thoret.
En juin 1935 Joseph Thoret présente dans le Pathé-Journal le film intitulé "L'Ecole des remous" réalisé à Challes sur les casse-cou adeptes de sa technique de vol en montagne.En septembre 1935, Joseph Thoret effectue la double traversée des Alpes en motoplaneur avec un aller-retour Challes-Turin: Parti de Paris avec un SFAN 1 de 12m d'envergure équipé d'un 25cv Poinsard, et après des escales de ravitaillement à Auxerre, Chalon/Saone et Lons-le-Saunier, il se pose à Challes le 12 septembre, de nuit ! Le 13 il redécolle et, après avoir survolé le Col du Mont Cenis à 3000m, il se pose à Turin. Le 14 il décolle d'Italie et revient se poser à nouveau à Challes.Joseph Thoret est affecté à Challes jusqu’en 1935. Le 1er juin 1936, il est nommé à Istres.
Joseph Thoret, qui avait pris sa retraite à St Rémy de Provence, décède le 4 juillet 1971, à 79 ans.

Le 3 juin 72, sera inauguré à l’entrée de l’aérodrome de Challes-les-Eaux un monument « à la mémoire du commandant Joseph Thoret (1892-1971), fondateur en 1932, directeur et moniteur, sur le terrain de Challes-les-Eaux, de la première école au Monde de vol en montagne ». Plus récemment, un rond-point a été baptisé de son nom à Challes.

Chronologie, avec le concours de M.Maurice Cornebois:

Just, François, Joseph Thoret est né le 54.1.1892 à Dole (Jura).
Marié le 16.3.1918
30.10.1906-23.11.1909 Ecole du Prytanée Militaire
5.1.1910 Engagé volontaire pour 5 ans à la subdivision de Besançon
4.12.1911 Compagnie des aérostiers n°25/3 à Versailles
12.1.1912 à Ambérieu-en-Bugey, Joseph Thoret obtient le brevet civil de pilote d’avion numéro 708
1912 Ecole de Pau, puis 15.8.1912 Ecole d’Avord
3.8.1913 Brevet de pilote (militaire ?) n°306
1.12.1913 Escadrille BE 10 Belfort
2.8.1914 Aux armées, en guerre contre l’Allemagne
1.9.1914 Nommé sergent
14.8.1914 Est le premier aviateur à engager le combat, pistolet à la main, contre un appareil allemand Aviatik
1.11.1914 Escadrille Voisin n°29
29.1.1915 Fait prisonnier à Bapeaume, interné en Suisse
1917 : On le retrouve moniteur à Ambérieu
1920 Istres
1922 vols au concours de Combegrasse et à Biskra
1923 Afrique du Nord (vol record de 7h03 hélice calée en avion); Vols au concours de Vauville
1924 Istres (vols à St Rémy de Provence)
17.1.1927 Congé de 3 mois,
10.3.1927 Mis en disponibilité pour 5 ans sur sa demande
25.6.1930 Nommé capitaine
1.5.1931 Détaché au cabinet du s/secrétariat de l’Air
7.8.1931 Affecté au centre aéronautique n°35 (Bron - Escadre n°35 ?)
17.10.1933 Escadron d’entraînement de la Base aérienne n°5
28.11.1933 Entrepôt spécial n°1
1.6.1936 Détaché à l’école de pilotage d’Istres (instructeur)
1.9.1936 Mis à la disposition du GI inspecteur des Forces Aériennes d’Outre-Mer (5ème RA – Afrique du Nord)
10.11.1936 Base aérienne de Villacoublay
30.12.1936 Ecole de l’Air d’Istres
15.12.1937 Nommé commandant
23.8.1939 Hôpital de Marseille + convalescence
31.1.1940 Hôpital de Bordeaux
5.3.1940 Affecté aux Forces Françaises du Levant
8.3.1940 Directeur de cours d’observateurs à Beyrouth
20.9.1940 Placé en congé – cessation d’activité

article paru dans "Albert" de 2002 http://www.new.facebook.com/note.php?saved&&suggest&note_id=70399041927#/note.php?note_id=60032521927&id=813491854&index=9