mardi 7 avril 2009

Pierre Pellier

Dans le style longévité aux commandes, puisqu'il a été chef de centre/chef-pilote du CSVVA de 1977 à sa retraite en 1996, mais aussi parce qu'il a été pour beaucoup un exemple pour son dévouement et son charisme, faisons aujourd'hui une petite place à Pierre. C'est quand même lui qui m'a lâché, en 1977...
Depuis sa retraite, il a arrêté de voler, mais il s'est beaucoup investi dans la vie municipale de Challes-les-Eaux comme adjoint au maire. Il ne s'est pas représenté aux dernières élections, mais on sait pouvoir toujours compter sur lui quand on a besoin d'un conseil ou d'un coup de main... même s'il faut parfois attendre un peu qu'il revienne d ses voyages aux quatre coins du Monde !

Comme le site du CSVVA est en refonte, et ne sachant ce qu'il adviendra de la page de Bolinopost consacrée à Pierre, en voici une copie:

Portrait fidèle et reportage très sincère écrit par Gil ROY, publié dans le magazine Vol à Voile du mois de Septembre 1996.




Pierre Pellier dans son K13 jaune, l'apannage du chef...

Il a consacré une grande partie de sa vie au vol à voile. Alors qu'il a quitté, en début d'année, le club qu'il a dirigé pendant une vingtaine d'années, Pierre Pellier fait le point sur sa carrière, évidemment, mais il jette surtout un regard lucide sur l'évolution du vol à voile et le comportement parfois critiquable des vélivoles.
L'émotion illumine encore son regard clair. Pierre ne réalise toujours pas ce qu'il lui est arrivé samedi soir, deux jours plus tôt. Ils étaient tous là, les membres du club savoyard de vol à voile alpin avaient réussi le tour de force de réunir à Challes-les-Eaux tous ceux et celles qui, à un moment ou un autre, ont compté dans la carrière de leur chef-pilote. Il y avait là des vélivoles et des paras venus des quatre coins de France. Pour certains qui ne s'étaient pas revus depuis dix ou vingt ans, ce fut de vraies retrouvailles et une surprise totale. Depuis quelques jours, les maladresses des intrigants lui avaient pourtant mis la puce à l'oreille, mais, s'il se doutait tout de même qu'il se tramait quelque chose, il a fermé les yeux sur le pot d'adieu que le club lui préparait en secret : après tout, c'était autant sa fête que la leur, et il ne voulait pas gâcher la joie des conspirateurs. Il a donc joué le jeu jusqu'au bout. Mais samedi soir, sa poitrine n'était pas assez grande pour contenir son émotion. L'au revoir était sincère et l'étonnement immense.
Dans un coin de la cafétéria, Henri Lamontagne mesurait une fois de plus l'ampleur de sa nouvelle tâche. Succéder à un professionnel de cette carrure, même après avoir travaillé en tandem avec lui pendant de nombreuses années, ne va pas s'avérer chose facile.
Pierre ne sera jamais très loin, mais c'est sur les épaules du nouveau chef-pilote que repose désormais le numéro deux des clubs français. Cette place au classement fédéral est le résultat de l'état d'esprit qu'a su insuffler Pierre Pellier au vol à voile savoyard dès son arrivée en 1977. "J'ai le bonheur d'avoir trouvé ici une équipe formidable". Avec Pierre, la modestie a toujours le dernier mot.

Une Carrière exemplaire
Pierre Pellier est né à Dijon en 1936. Avec son allure athlétique et ses cheveux grisonnants bouclés, il porte bien ses soixante printemps. A la fin de ses études secondaires, il s'engage dans l'armée de l'Air pour devenir pilote. Il a 19 ans, et le sergent recruteur l'endort : l'armée ne forme pas de pilotes pour l'heure, mais quand le besoin s'en fera sentir, les engagés auront l'avantage sur les autres. "Confiant, j'ai décidé de devenir contrôleur aérien, parce que c'était un métier en rapport direct avec les avions... et parce qu'il fallait bien faire quelque chose en attendant de devenir pilote de chasse !". Il était encore à l'école lorsque les portes de l'Ecole de l'Air se sont entrouvertes : "Ma candidature est refusée parce que je n'avais pas encore fini ma formation. On me garantit toutefois qu'à la sortie du centre, je pourrai à nouveau faire acte de candidature". C'est ce qu'il fait, pour essuyer un nouveau refus .Entre temps, il s'était marié, et les militaires n'acceptent alors de confier leurs avions qu'aux seuls célibataires, ce qu'il ignorait. Au moment de la guerre d'Algérie, il a alors 24 ans et est atteint par la limite d'âge. Il s'incline devant le règlement et fait une croix sur sa carrière mort-née de pilote de combat.

Pierre a de la suite dans les idées, et c'est une chance pour le vol à voile. Parce qu'il lui faudra la même ténacité pour obtenir un jour l'autorisation de piloter un planeur. Il est encore soldat quant il se retrouve pour la première fois sur un terrain de vol à voile. C'est en 1956, à Rethel, dans les Ardennes. Il travaille toute la journée à manoeuvrer les planeurs en piste. A la fin de l'après-midi, après avoir aidé tous les membres de la section militaire, il est franchement dégoûté, d'autant qu'il s'en retourne sans avoir pu mettre ses fesses dans un planeur". Cette expérience a été importante pour la suite de ma carrière. "J'ai toujours été attentif à celui qui débarquait pour la première fois sur un terrain. I1 faut l'accueillir, lui faire découvrir l'activité, et le plus vite possible, le faire voler".

Il va connaître une autre mésaventure du même genre à Dijon, trois ans plus tard. "Les clubs étaient fermés, et il était très difficile de s'intégrer". Il renonce au vol à voile, persuadé que ce sport n'est pas fait pour lui. Du coup, il bifurque vers le parachutisme. Il crée à Dijon la section militaire, et il est même le premier, en mars 1960, à sauter sur la Bourgogne. Il deviendra par la suite l'un des piliers du centre inter-clubs de Châlon sur Saône, un creuset de champions. "Autant mon approche du vol à voile a été décevante, autant ici j'ai ressenti immédiatement une passion et une chaleur. Les hommes que je n'ai jamais trouvés dans le vol à voile, je les ai rencontrés dans le parachutisme"

Et c'est vraiment par le plus grand des hasards, et devant l'insistance d'un camarade de la section des sports aériens de la base de Dijon qu'il fait, en mars 1961, son premier vol en planeur. Trois mois plus tard, il est lâché sur Nord 1300 à Dôle. "Avec le vol à voile, je découvre le vrai plaisir de voler que n'offrait naturellement pas le parachutisme". Dans la foulée, il obtient son brevet D.

En 1962, la disparition accidentelle du jeune chef-pilote de Dôle, Jean Damico, est un tournant dans sa vie. Il y a au club Jean-Claude Caillard, engagé, basé comme lui à Dijon. Il y a aussi Gabriel Chenevoy qui poursuit ses études à la faculté des sciences de Dijon. Ensemble, avec le soutien d'Eric Robbe, le chef-pilote moteur, ils décident de prendre en main la section vol à voile. En l'espace de quatre ans, le club présidé par Pierre de la Martinière devient le cinquième de France (le premier dans la catégorie des moins de 25 ans). A partir de 1967, les premiers grands circuits de 300 km sont tournés au départ de Dôle. Gabriel Chenevoy va virer à Pierrelatte, Pierre à Karlsruhe, les autres sur Limoges... "Nous nous sommes dit dès lors qu'il était possible d'aller partout". Ils ne s'en sont pas privé.

"Le vol à voile, c'est d'abord une question d'hommes". Les événements donnent raison à Pierre. En 1969, le noyau dur du club de Dôle éclate, cinq des quatre chevilles ouvrières quittent la région. "Chen" devient chef-pilote à Vinon, Henri Robbe intègre le SFACT à Montpellier, Pierre de la Martinière rejoint le siège social parisien de la société qui l'emploie, et se rapproche du même coup de la FFVV. Le contrôleur aérien militaire Pierre Pellier quant à lui, est muté à Narbonne. Il va voler pendant un an et demi à Béziers, jusqu'à l'éjection du club de la plate-forme pour cause de création d'un aéroport. Il se replie sur Pézenas. En 1971, il décide de quitter l'armée de l'Air afin de donner libre cours à sa passion du vol. "J'étais entré dans l'armée pour voler, je n'avais pas spécialement la fibre militaire. je ne souhaitais pas faire carrière".

Instructeur depuis 1965, il devient chef-pilote à Pézenas. En cinq ans, sous son impulsion, le club qui vivotait passe de 400 heures par an à 3.600, et se hisse au onzième rang national. Mais un différent d'ordre statutaire avec le président l'oblige à quitter le club. 45 adhérents qui avaient pris son parti, sont dans la charrette. Ces péripéties ne sont sans doute pas absentes des motivations qui vont le pousser, en 1981, à créer l'Association des Instructeurs Professionnels du Vol à Voile. "A l'époque, les rares professionnels étaient sous-payés, et souvent non déclarés. Leurs situations étaient précaires". Il entreprend d'organiser la profession. Il met sur pied, en collaboration avec la fédération, une grille de salaires et un protocole qui définit les droits et les devoirs de chacun. "J'ai préféré créer une association plutôt qu'un syndicat, parce que je voulais pouvoir discuter d'égal à égal avec les clubs. Dans mon esprit, il n'était absolument pas question de revendications, mais au contraire de discussions constructives dans l'intérêt du vol à voile". L'AIPVV regroupe aujourd'hui une cinquantaine de salariés, en dehors du CFHN et du SEFA. La plupart bénéficie du protocole qui fait apparaître la notion d'évolution de carrière. "Les jeunes professionnels qui se lancent dans le vol à voile devraient pouvoir y trouver un intérêt matériel et des possibilités d'évolution.

C'est le seul moyen pour que le vol à voile ne soit pas un éternel marchepied pour des carrières aéronautiques. Il est possible d'en faire un lieu où un professionnel puisse s'épanouir".

Un sacerdoce, la formation
Pierre dirigera l'association de 1981 à 1986, jusqu'à son élection au Comité directeur de la FFVV. Personne ne juge sa présence déplacée au sein des instances dirigeantes de la fédération. Bien au contraire : ses compétences, ses qualités et son ouverture d'esprit sont unanimement louées. Pourtant Pierre n'est pas un élu de base comme l'ensemble des membres du CD. Il est encore aujourd'hui le seul professionnel à avoir occupé des fonctions à ce niveau fédéral. Ses compétences et son approche pragmatique des problèmes font de lui un homme écouté. Il quittera le Comité directeur en 1989, parce qu'il estimait ne plus avoir les moyens de s'occuper comme il l'entendait de son club de Challes-les-Eaux. Mais il redouble d'énergie et d'initiatives à la tête de la commission Formation & Sécurité qu'il vient de quitter. Il n'est pas un donneur de leçons, mais un initiateur qui veut faire partager le fruit de sa riche expérience. C'est en Savoie que Pierre va acquérir toute sa stature. Il possède déjà un sérieux savoir-faire, et ça se sait.

A la suite de son départ de Pézenas, fin 1976, et après une courte période de transition comme restaurateur au Cap d'Agde, il devient chef-pilote au CSVVA, où il accepte de prendre la succession d'Alain Carré en janvier 1977. "C'était déjà un club important, le troisième. Il tournait avec une forte proportion d'étrangers". Au moment où il débarque, Challes doit faire face à la grogne grandissante des riverains. Pierre Garcin, "le président à vie du CSVVA", a pensé que la solution pouvait passer par le treuil. "A l'époque, ce moyen de lancement avait totalement disparu. Personne n'y croyait. On a suivi le président parce qu'on lui fait confiance". Nous passerons sur les difficultés en tous genres que les savoyards doivent surmonter : des planeurs non treuillables, l'absence de pédagogie et de culture, sans oublier plus simplement l'inexistence de matériel de treuillage. Le premier treuil de Challes fut donc construit de toutes pièces.

Quand Pierre Garcin lança l'idée du treuil, le club employait quatre avions remorqueurs. Aujourd'hui, il n'en exploite plus qu'un et demi : plus de 8 décollages sur 10 se font au treuil, soit 6.800 treuillées pour 1.500 remorqués réservés pour l'exploitation des faces Est et en régime de Sud. "Nous nous sommes sentis majeurs le jour où nous avons lâché au treuil quelqu'un que nous avions complètement formé. Ce jour là, nous nous sommes dit que si nous étions capables de cela, c'est que nous devions vraiment avoir confiance dans le système. L'épopée du treuil fut une grande aventure".

Les riverains se sont apaisés. Sur le terrain, l'ambiance a gagné en sérénité, et aujourd'hui l'instructeur qui hurle en piste ne passe plus inaperçu, d'autant que c'est le genre d'attitude qu'exècre Pierre : "On a longtemps été persuadé que le meilleur moniteur était celui qui criait le plus fort. C'est faux...... Pierre a sans doute des réminiscences de ses débuts. Pour lui qui a placé la formation au-dessus de tout, la qualité de la relation entre l'élève et l'instructeur est primordiale. C'est la raison pour laquelle il a mis en place une organisation remarquable. « Tous les maux du vol à voile viennent d'un manque cruel d'organisation... »

Pour que la formation soit efficace, Pierre estime que chaque élève doit être attaché à un instructeur. Il refuse l'abattage : le moniteur qui ouvre sa verrière à peine posé et qui, de sa place arrière, crie "Au suivant ". Il a instauré une nouvelle façon de moniter qui a fait ses preuves. En début d'année, le chef-pilote réunit son équipe pédagogique composée d'une trentaine d'instructeurs. En fonction des disponibilités de chacun, à la fois du temps global à consacrer au club et surtout des jours de semaine, il affecte à chaque instructeur un certain nombre d'élèves (ceux-ci ayant, de leur côté, fait connaître leur emploi du temps). Cette organisation, qui prend en compte les contraintes de chacun, est, d'une certaine manière un coup porté à la dictature des cumulus. On admet implicitement que le vélivole puisse avoir une vie en dehors du vol à voile, et que, moyennant quelques arrangements d'ordre matériel, tout le monde y trouve son équilibre.

Au CSVVA, l'école est, en fait, la somme d'une trentaine de petites unités pédagogiques autonomes. Toutes appliquent la même méthode d'instruction. "Une fois par an, nous nous réunissons pour redéfinir une ligne directrice et nous accorder sur les grands thèmes structurants. Nous nous mettons d'accord sur les détails. il nous arrive même de voter pour mettre tout le monde d'accord. Il est capital qu'il y ait une cohérence en matière de formation". Pierre a toujours été attentif au fonctionnement de ces binômes : "De manière informelle, en dehors de cette grande réunion, je parlais avec les instructeurs de leurs élèves. J'observais sans espionner et quand je sentais qu'il n'y avait pas d'atomes crochus entre eux, je n 'hésitais pas à opérer des changements".

Un animateur hors pair
C'est sur la qualité de la formation que repose, au niveau des clubs et du mouvement dans son ensemble, l'avenir du vol à voile. C'est le credo de Pierre Pellier. « Aujourd'hui, le vol à voile est menacé par la baisse du nombre de jeunes. Nous sommes tous responsables de cet état de fait. Il ne suffit pas d'aller chercher les gens, il faut savoir les accueillir et les encadrer pour qu'ils se sentent bien sur un terrain de vol à voile. Le problème est qu'on a un peu trop tendance à mépriser tout ce qui n'est pas pilote de haut niveau ! »

Et Pierre d'évoquer sa découverte de la plongée sous-marine. Il a été marqué par l'attention dont il a été l'objet lors de la première plongée. Le moniteur, mais aussi les autres plongeurs se sont intéressés à lui, à ce qu'il avait ressenti. Les pilotes de planeur ont encore du chemin à parcourir avant d'en arriver là. Pourtant, ils ont des atouts en main. "Un jour, j'ai reçu une lettre de remerciement d'une personne que j'avais fait voler quelques jours plus tôt. Elle était adressée au "montreur de merveilles"... On a oublié qu'on avait toutes ces merveilles, et on a tendance à les garder pour soi". Il faut aller au devant des individus et ne pas perdre de vue que le vol à voile, ce n'est pas simplement le planeur, mais des hommes. Pour Pierre, ce n'est pas qu'une belle phrase, c'est une réalité qu'il vit à chaque instant. On le sent disponible, attentif au moindre problème.

Avec une immense bienveillance dans son sourire, il va vers les gens. Il leur donne l'impression qu'ils sont importants. "En chaque personne, il y a des défauts et des qualités. Cela ne sert à rien d'enfoncer quelqu'un. J'ai vu des élèves ne jamais revenir après une engueulade parce qu'ils avaient raté un atterrissage... Au contraire, si tu es capable de voir ses points forts, il faut l'aider à s'en servir". Il aime les autres et cultive les relations humaines, en s'efforçant constamment de montrer de l'intérêt pour chacun. "Il faut voir le petit gars tout seul dans son coin et essayer de comprendre ce qui ne va pas". Pierre Pellier a géré les 300 membres du club comme s'ils n'étaient qu'un.

Au CSVVA comme ailleurs, les difficultés ne manquent pas : les vélivoles savoyards ne sont pas différents des autres. Ils ont leurs états d'âme, et ne sont ni plus ni moins contestataires. Pierre a dû y faire face, quand une décision est juste, elle est difficilement contestable, et la mauvaise foi finit toujours par battre en brèche. Pierre Pellier est solide, et il a tiré de sa longue expérience de chef-pilote la certitude qu'il fallait toujours être non seulement présent, mais surtout disponible.

Le chef-pilote de Challes s'est évertué à ne pas se laisser enfermer dans son bureau, parce que c'est en piste que l'action se déroule. Et ce n'est ni par coquetterie, ni par négation du progrès qu'il a refusé que le starter soit doté d'un téléphone mobile, mais par crainte d'y perdre en disponibilité. Pierre se nourrit de cette relation à l'autre. "Un homme seul, même avec des qualités, n'est qu'un homme. Si tu parviens à ramasser autour de toi une équipe, alors tu peux bousculer les montagnes

Dans la morosité ambiante qui baigne le vol à voile français, Challes-les-Eaux fait presque figure d'anachronisme. Le club tourne bien et les effectifs sont stables, ce qui, dans le contexte actuel, relève de la performance. Il y a deux ans, le club est passé devant Vinon au classement fédéral. Même si Pierre prétend que la logique est bafouée, il est intimement satisfait. Cette place d'honneur, il l'a méritée amplement. Bien sûr, elle est le résultat du travail d'une équipe soudée. Mais celui qui fut chef-pilote pendant vingt saisons est un remarquable animateur qui a su imprimer sa marque, incontestable, perceptible. Le CSVVA a une âme. Ce n'est pas seulement un club où l'on vient voler. Une large proportion de ses adhérents viennent, chaque week-end, des départements limitrophes de la Savoie. Ils ont fait le choix de Challes.

Car le CSVVA a une philosophie qui donne l'impression qu'on n'y fait pas que voler. On tend vers un but. Pour Pierre, la formation est gage de sécurité et de performance.

Il l'a donc voulue permanente. Elle ne doit pas s'arrêter le jour du brevet : à chaque étape, le pilote est accompagné, encadré. Cette conception de l'évolution de sa carrière se traduit dans la composition de la flotte du club.

Ainsi, le CSVVA possède une dizaine de biplaces, de l'ASK-13 pour l'ab-initio, à l'ASH-25 (le club en a deux) pour les vols au long cours, en passant par le "Janus", le "Marianne" et l'ASK-21 pour l'apprentissage de la campagne. Il existe ici une culture du circuit. Elle se concrétise par des milliers de kilomètres et des vols records, sans oublier une troisième place à la coupe fédérale. "Quand je suis arrivé en 1977, les pilotes venaient juste de découvrir la Suisse. Actuellement, ils vont virer en Autriche. Demain, ce sera peut-être la Hongrie...... Pour le club, l'objectif présent est de développer la compétition. C'est une autre école, qui permet de progresser : "La compétition, c'est le dépassement de soi. On essaye de tirer le meilleur de soi-même et de la machine. On arrive à faire des vols intéressants des jours où il ne viendrait pas à l'esprit de sortir un planeur du hangar".

Un départ, pas un adieu
Même s'il s'est juré de ne plus prendre part au Comité directeur du CSVVA et de laisser son successeur libre, il a "envie de découvrir le club sans contrainte, de s'éclater, de se faire plaisir". Pierre, à sa manière, a bien l'intention d'encourager les meilleurs à s'aligner en compétition. Le jeune retraité a déjà prévu de jouer les dépanneurs à quelques championnats.

"Les pilotes d'ici aiment bien les Alpes. En plaine, ils sont perdus. Quand ils ont un terrain de jeu comme le nôtre, il est difficile de leur expliquer l'intérêt d'aller voler ailleurs". La montagne est belle, mais parfois dangereuse. Au cours de sa vie de chef-pilote, Pierre a eu évidemment à faire face à des instants pénibles. Cet homme a solide a assumé la lourde responsabilité qui incombe à un chef-pilote d'une plateforme animée, orientée vers le vol en montagne. "La responsabilité ne doit pas faire peur. Le vol à voile est une activité à risque et il y a des règles à respecter. C'est lorsque la rigueur fait défaut que l'on bascule du risque vers le danger". Pour Pierre, la responsabilité morale passe avant la responsabilité civile. "Certes, il faut respecter la réglementation, pour ne pas s'exposer à des poursuites, d'autant qu'aujourd'hui les gens deviennent coriaces. Mais il ne faut pas être obsédé, ou bien on ne fait plus rien. J'ai toujours réussi à faire abstraction".

Depuis le ler avril dernier, Pierre Pellier est donc à la retraite. Il va pouvoir consacrer un peu plus de temps à ses trois enfants, ses deux petits enfants et sa compagne : "Il y a du retard". C'est une réalité, le vol à voile est une passion exclusive qui ne fait pas bon ménage avec la vie de famille. L'épisode Pézenas ne s'est pas "simplement" fini par un licenciement, mais aussi par un divorce. Et jusque là, si sa vie de couple s'est bien passée, il reconnaît que le mérite en revient à la femme qui aujourd'hui partage sa vie. Car partager la vie du chef-pilote de l'un des principaux clubs de France impose une relative souplesse d'esprit. "A partir du moment où j'ai pris conscience que les vacances étaient importantes, j'ai régulièrement choisi le mois de novembre pour les congés", et il ajoute aussitôt, comme pour s'excuser : "C'est le mois où mon absence était le moins préjudiciable".

Ces vacances ont constamment été un prétexte pour voyager, pour connaître d'autres pays et d'autres sports. Pierre est un homme curieux, ouvert sur le monde qui l'entoure. Il apprécie particulièrement l'Asie et l'Amérique du Sud, et consacre ses loisirs à la plongée ou la voile. Sa retraite devrait lui permettre de voyager plus encore, d'autant qu'en guise de cadeau, les membres du club et tous ses amis réunis à l'occasion de son départ, lui ont ouvert un compte dans une agence de voyages. "Ils sont fous". Ils l'aiment, tout bonnement.

Gil ROY